"Être un bon militant ou même un excellent directeur de banque ne suffit pas pour faire un candidat crédible à une élection !". Jean-Henri Bergé, chercheur en sciences politiques à l'Université d'Avignon (Vaucluse), a fait de ce constat le fondement de ses travaux. Aujourd'hui, fort de quatre années de recherche intensive, il propose aux futurs candidats de retourner sur les bancs de l'école pour apprendre les règles d'or d'une campagne électorale rondement menée...
"L'École des candidats" : genèse d'un concept
"En tant que bras droit de l'Inspecteur d'académie d'Avignon, j'ai pu assister à de nombreuses réunions politiques et prononcer certains discours à sa place. Là, j'ai également porté une oreille attentive à ceux des autres : on comprend tout de suite les élus qui savent mettre le doigt où ça fait mal et ceux qui cherchent encore..." : cette remarque, Jean-Henri Bergé en a fait son fond de recherche. Universitaire à Avignon, dans le Vaucluse, il travaille depuis quatre ans sur une thèse intitulée Du candidat à l'élu, analyse transversale des contraintes directes et indirectes qui rythment une campagne électorale...
"Dans le cadre de mes travaux, j'ai constaté qu'aucune formation impartiale n'était délivrée aux candidats à une élection", remarque-t-il. Et comme il ne voudrait pour rien au monde que sa thèse "ne prenne la poussière en haut d'une bibliothèque", Jean-Henri Bergé a transformé ses observations en formations pratiques : ainsi naissait l'Ecole des candidats. D'après la loi 1901, l'idée a pris la forme d'une association à but non lucratif... Aujourd'hui, il dispense ses cours à travers l'Hexagone tandis que ses associés, "tous diplômés en droit public", s'occupent de l'aspect administratif du fonctionnement de l'association.
Une fois les frais de l'intervenant principal couverts, l'argent récolté lors de ces formations a un objectif bien précis : "Financer le stage des jeunes qui veulent se lancer en politique", explique Jean-Henri Bergé. Et de préciser : "Nous souhaitons que toutes les personnes qui ont des idées puissent accéder au poste d'élu à armes égales. Je sais que certains jeunes peuvent se trouver découragés par la complexité des démarches... Seulement, leur engagement est le seul moyen d'œuvrer à un renouvellement des élites politiques : nous les aidons à rendre les choses plus faciles".
"La couleur d'une cravate ne fait pas gagner les élections !"
Il faut de tout pour faire un monde politique. "Les profils des candidats sont très variables ! On peut trouver aussi bien des militants que des chefs d'entreprise qui pensent transformer leur réussite professionnelle en réussite sociale par une victoire électorale", remarque Jean-Henri Bergé. Mais, entre le candidat et l'élu, se dressent tout de même des règles incontournables qu'il est préférable d'appliquer... "Je me suis particulièrement intéressé à la mécanique d'une campagne, de l'investiture par le parti au second tour de l'élection, autour de neuf concepts directeurs comme le travail de terrain, la connaissance du contexte, les besoins de la population ou encore les réseaux à infiltrer", explique-t-il.
Aux quatre heures de théorie consacrés à ces concepts lors de chaque journée de formation, succèdent toujours quatre heures de pratique. "Par exemple, je peux distribuer aux participants un dossier relatif à une circonscription, en y ajoutant les comptes-rendus des conseils de quartier, des conseils municipaux... Chacun doit ensuite me présenter un programme, l'agenda de la semaine et un discours : je délivre mes conseils sur la base du travail qu'ils ont réalisé", détaille Jean-Henri Bergé.
Surtout, le chercheur avignonnais tient à peaufiner le fond avant la forme. "Il ne faut pas tomber dans le piège de la communication. Oui, je conseille aux candidats de soigner leur apparence. Mais la couleur d'une cravate ne fait pas gagner les élections !", note-t-il.
Les règles d'or du parfait candidat
La règle numéro un du candidat ? "L'humilité". Pour Pierre-Henri Bergé, "se mettre au niveau de ses interlocuteurs est la base de toute campagne". Et de se remémorer un candidat du Vaucluse, par ailleurs directeur des finances, dont le tract de campagne ressemblait davantage à un CV de banquier qu'à un programme politique... "On n'impressionne personne quand on est un homme politique ! Sept ou dix candidats postulent pour chaque poste donc, si les citoyens ne comprennent pas le langage de l'un, ils choisissent celui qui arrive le mieux à formuler leurs attentes...". Et de préciser : "Les meilleurs candidats sont ceux qui arrivent à analyser très vite les situations et répondre aussitôt aux questions".
Seconde règle incontournable selon le chercheur en sciences politiques : la présence sur le terrain. "Passer des heures sur les marchés, dans les salles de loto, se montrer au match de foot du dimanche ou assister à la réunion d'un club de tricot : l'engagement du candidat est presque sacerdotal ! Il faut prendre conscience que les fonctions politiques induisent des contraintes énormes, qui sont déjà présentes pendant la campagne", relève Jean-Henri Bergé. Une sorte de galop d'essai grandeur nature qui permet de jauger le degré d'engagement de chaque prétendant...
"Il ne suffit pas d'imprimer quatre tracts et de dire bonjour aux jeunes en leur promettant d'améliorer la situation de l'emploi ! Il faut rentrer dans le concret, identifier les problèmes de chaque quartier, faire des propositions détaillées pour convaincre", souligne-t-il. Long travail de terrain, connaissance pointue des dossiers... Tel est le prix à payer pour être un candidat crédible : les prochaines élections cantonales, en mars 2011, devraient être une parfaite étude de cas pour le chercheur !
- infOs pratiques
Pour en savoir plus sur l'École des candidats, contacter Jean-Henri Bergé au 06 68 73 75 33 ou par mail à contact.ecoledescandidats@gmail.com.