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Dijon / Bourgogne

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Billet de blog 28 octobre 2009

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Etre Afghan (et sans papiers) à Dijon

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Mohamad a 23 ans. Comme tous les jeunes de son âge, il aime sortir, se faire de nouveaux amis et le football. Pourtant, malgré son jeune âge, il a déjà vécu mille et une aventures. Mohamad est Afghan. Après cinq ans de périples à travers l’Europe, voici deux mois qu’il a posé ses valises dans la capitale des Ducs de Bourgogne. Pour dijOnscOpe, le jeune homme se livre. Il nous raconte son périple, son regard sur la France et l’Afghanistan, ses craintes et ses espoirs…

A Dijon par hasard...


"Cela fait deux ans que je suis en France et deux mois que je suis à Dijon. Je suis arrivé ici un peu par hasard. J’étais dans le nord de la France depuis 9 mois. Je tentais d’aller en Angleterre mais ça n’a pas marché. Finalement, j’ai décidé de rester en France. Une association de la ville d’Aras s’est occupée de ma venue à Dijon. Au début, c’était difficile, je ne connaissais personne, mais maintenant je me suis fait des amis, des Afghans mais aussi des personnes de toutes nationalités.

Partir...


Je suis originaire d’une petite ville près de Kaboul. Ça fait cinq ans que j’ai quitté mon pays. Je voulais vivre une vie normale c’est pourquoi je suis parti. Vivre dans un Afghanistan en guerre, c’était devenu impossible. Mon pays était le plus dangereux du monde. Aujourd’hui, il l’est toujours.
Je suis parti avec deux amis. Je n’avais pas le choix, même si quitter ma famille a été difficile... Au début mes parents ne voulaient pas que je parte, mais ils ont fini par s’y résoudre. Je les appelle toutes les semaines. Dès que je pourrai, je les aiderai financièrement.

L'Angleterre, un rêve dangereux


Même si maintenant je veux rester en France, aller en Angleterre c’était mon rêve. Tous les Afghans rêvent d’y aller pour trouver un travail. Beaucoup de personnes m’ont affirmé que la situation y était meilleure qu’en France. Mes amis qui sont passés là bas m’ont dit qu’on pouvait y trouver facilement du travail.
Pour aller en Angleterre, je suis passé par des passeurs. Souvent, ils nous obligeaient à faire la traversée dans des camions sauf qu’ils s’arrêtaient en Espagne, en Belgique ou ailleurs mais pas en Angleterre ! Le passage coutait de 500 à 1500 euros. Pour payer ces sommes j’ai travaillé un an à Paris. Je travaillais dans un restaurant indien. Puis je suis allé à Calais. Là bas, j’ai tenté à plusieurs reprises d’aller en Grande-Bretagne. Je me suis souvent fait frapper par les policiers. Les chiens policiers m’ont mordu plusieurs fois, j’en garde des cicatrices. J’ai aussi été en garde à vue quelques fois puis remis en liberté.

Retourner en Afghanistan : une peur cauchemardesque


Ma plus grande peur, c’est d’être renvoyé en Afghanistan. Ce serait vraiment horrible, une catastrophe ! J’ai pris cinq ans de ma vie pour venir en Europe. Quand je retournai en Afghanistan, je veux que ce soit avec le sourire et non pas forcé. Je pense souvent à ceux à qui ça arrive. Ils ont payé cher pour arriver jusqu’en France. Je n’aimerais pas être à leur place. Tout ce que veulent les Afghans, c’est être comme les autres et vivre simplement.

Un parcours semé d’embuches


J’ai traversé l’Iran, la Turquie, la Grèce, l’Italie pour arriver en France. Et ce, en utilisant tous les moyens de transport possibles. En 2005, pour aller de Turquie en Grèce, mes amis et moi, avons acheté une barque et ramé toute la nuit. Pour aller de Grèce en Italie, j’étais avec quinze personnes dans un camion pendant 65 heures. On était tous serrés les uns contre les autres. Quand je suis arrivé à Venise, ma tête tournait, j’avais terriblement faim.
Pour aller en France, j’ai utilisé un moyen de transport assez simple : le train. Les policiers français m’ont renvoyés plusieurs fois en Italie quand je tentais le passage. Mais je suis revenu à chaque fois. Les meilleurs souvenirs de mon périple resteront les rencontres et la solidarité. Je me suis toujours fait pleins d’amis dans n’importe quel pays et de n’importe quelle origine. Dans le nord de la France aussi j’ai fait des rencontres. Des amis me donnaient de la nourriture et des vêtements. Je suis toujours en contact avec eux par téléphone. J’espère qu’un jour viendra où je pourrai retourner dans le Nord-Pas-de-Calais et les revoir.

Un quotidien dijonnais


Je suis en demande d’asile, je n’ai pas encore de papiers donc je ne peux pas travailler. J’ai une aide financière d’une centaine d‘euros et suis logé gratuitement dans un foyer. J’aimerais travailler dans la mécanique. En Afghanistan je travaillais avec mon père dans un potager. C’est dur financièrement pour lui. Je n’aimerais pas que ma vie soit comme la sienne.
A Dijon, je prends volontairement des cours de français. J’aimerais apprendre à lire et écrire cette langue. J’aide des amis qui ne parlent pas bien français lors de leurs démarches, chez le médecin par exemple. Je fais du sport, ça passe le temps. J’aime être avec mes amis, visiter Dijon, marcher, rencontrer des gens. Je prends le temps de m’adapter et d’être un jeune comme un autre !

Les projets d’un jeune (presque) comme les autres


J’aimerai suivre une formation mécanique, fonder une famille, bref, être comme tout le monde ! Puis, une fois que les choses seront stabilisées, je retrouverai ma famille. Elle a besoin de moi. J’ai pleins de rêves.

Un regard afghan sur l’Afghanistan


L’Afghanistan a toujours été en guerre. Les Afghans ont grandi avec. Il y a trop de problèmes là bas : les talibans, le peu d’espoirs. Les jeunes veulent partir. Je pense que les Américains ne sont pas en Afghanistan pour aider la population mais pour d’autres raisons. Ils ont fait beaucoup de choses pour mon pays mais ne vont pas arrêter la guerre. Ils profitent de leur position stratégique, vis-à-vis de l’Iran par exemple. Je ne suis pas un homme politique, je vous donne juste mon avis personnel. J’aime bien la France mais mon rêve était d’aller en Angleterre. Tant pis, je vais essayer de rester en France mais en imaginant que je suis en Angleterre ! Être renvoyé en Afghanistan ce serait pire qu’un cauchemar... "

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