
Le Laboratoire de Psychopathologie et de Psychologie Médicale de l'Université de Bourgogne organisait un colloque sur le thème de l’adoption vendredi 20 et samedi 21 novembre. A cette occasion, dijOnscOpe a rencontré un spécialiste de l’adoption : le Dijonnais Jean-Vital de Monléon, pédiatre, anthropologue, membre du Conseil Supérieur de l’adoption et auteur de livres sur le sujet. Il est lui-même papa de 5 enfants dont 3 adoptés. Des mamans mais aussi des enfants adoptés ont également accepté de se livrer sans tabous sur ce sujet...
Le Docteur Monléon revient sur quelques donnée concrètes : « Les adoptions sont bien plus nombreuses que dans les années 1980. On en compte environ 4000 par an, une centaine en Bourgogne. 4/5ème des adoptions sont effectuées à l’étranger : Haïti est la première destination, puis viennent l’Éthiopie, la Russie et le Vietnam. Ces pays varient en fonction des aléas de la politique internationale ».
Démarches et agrément : des contraintes pas si contraignantes ?
La procédure est longue pour pouvoir adopter. Entre les dossiers à remplir, les enquêtes administratives et les rendez-vous chez le psy, il y a de quoi être rebuté mais beaucoup de parents la considèrent finalement comme bénéfique. C’est par exemple le cas de Fabienne, maman de Lin, petite Chinoise adoptée à 14 mois : « La démarche préparatoire fait beaucoup réfléchir sur soi. Ce serait peut être nécessaire que les parents biologiques la fassent ». Jean-Vital de Monléon a un avis clair sur la question : « On voit trop souvent des gens qui se plaignent par rapport aux démarches, ça peut paraitre injuste par rapport aux parents ayant des enfants naturels. Pourtant, cette procédure répond à un besoin spécifique. L’Etat s’engage sur chaque adoption : il a un rôle de garde-fou.»
Pour Marie-Christine K, maman d’une petite cambodgienne (Daly) adoptée à 5 ans et demi, les problèmes sont venus une fois que son dossier a été accepté : « Une fois qu’il y a l’agrément, les gens sont un peu lâchés dans la nature et nous n’avons pas eu assez d’informations de la part de spécialistes ou de parents ayant adopté ». Marianne, maman d’une petite Réaksa adoptée au Cambodge à l’âge de 7 mois (aujourd’hui âgée de 12 ans), fustige quant à elle certaines démarches « pas forcement indispensables » : « Les délais ont été respectés. Nous avons eu l’agrément en 9 mois. Par contre la rencontre avec le psychiatre par exemple n’était pas forcement utile. » Et Marie-Christine F (maman de Vincent, adopté en 1985 à l’âge de 4 mois et demi), ra rajouter que cette procédure est difficile :"Il faut être fort. C’est dur de justifier son désir d’avoir un enfant."
Doutes et amour : témoignages
Tous les parents sans exception se retrouvent face à des angoisses naturelles lors de l’adoption mais celles-ci laissent vite place à la joie malgré des difficultés inhérentes à toute relation parent/enfant. Écoutons les mamans...
Marie-Christine K : « Au début, c’est l’angoisse totale mêlée à la joie. Je me demandais : « Est-ce qu’elle va m’adopter, elle ? Lorsque j’ai eu ma fille, je me suis parfois sentie seule. Heureusement, je travaille avec les enfants, ce qui m’a permis de comprendre ses réactions. A l’orphelinat où nous sommes allés chercher Daly, il y a eu des moments au-delà même de l’émotion. C’était très dur de prendre Daly et de laisser les autres enfants. J’ai eu des moments émotionnellement durs où je remettais tout en question : serais-je à la hauteur ? Suis-je trop vieille ? (...) Le fait d’avoir un enfant adopté est une expérience aussi extraordinaire que d’avoir un enfant naturel. C’est une aventure et une rencontre».
Fabienne : « Le premier jour où nous avons eu notre fille, il y avait beaucoup d’espoir mais aussi beaucoup d’appréhensions. Le plus beau jour a été celui où Lin nous a fait son premier sourire. Physiquement et moralement, elle n’allait pas bien au début. C’est une belle aventure qu’on a vécu tous les trois. Même s’il y a eu des moments rudes, je voudrais faire les mêmes choses pour obtenir les mêmes résultats. C’est une aventure tellement enrichissante. Avec Lin, je mes suis rendue compte qu’aimer un enfant adopté de la même façon qu’un enfant biologique était possible. Ma fille me demande si ça fait une différence qu’elle n’ait pas été dans mon ventre Je lui dis que non et j’en suis persuadée. C’est une relation très riche qui fait poser beaucoup de questions. »
Marie-Christine F : « Je me posais beaucoup de questions : Est-ce que je vais l’accepter ? Mais dès que je l’ai eu dans les bras, il s’est mis à gazouiller alors qu’il était tout triste auparavant. (...) Ce qui m’a fait mal, c’est de laisser les autres enfants dans la Pouponnière. Certains avaient été maltraités. J’aurais voulu tous les prendre. Lorsque j’ai réussi à avoir une petite fille biologiquement 11 ans plus tard, Vincent était un peu triste. Mais comme je dis à mes deux enfants : quand on est dans le ventre de sa mère, on ne s’en rappelle pas. Ce qui compte c’est après ; certains parents ont des enfants à eux sans les sentiments. Mon but c’était de rendre mes enfants heureux».
Et visiblement, les choses se sont bien passées pour Marie-Christine et Vincent, comme le prouve le témoignage de ce dernier, aujourd’hui âgé de 24 ans : « Je suis très content de ma famille d'adoption, de l'amour, de l'éducation, de toutes ces petites choses qu'il m'ont apportées. Ils ne m'ont jamais caché le fait que j’étais un enfant adopté et ont toujours été là pour répondre à mes questions. Je me dis tout le temps que sans eux, je ne serai pas devenu l'homme que je suis aujourd'hui ». Pour Chang aussi l’adoption fut une chance (D’origine Coréenne, il a été adopté à l’âge de 5 ans) : « Dans mon esprit, je ne suis pas un adopté mais j’ai été adopté (....) Je dirais que je ne connais pas les liens du sang mais que les liens du cœur m’ont suffit à être ce que je suis aujourd’hui ».
La recherche des origines : un point de détail ?
Selon le Docteur Monléon, les origines biologiques ne sont pas forcément quelque chose de fondamental pour l’enfant : « La recherche des origines est un point de détail, beaucoup de spécialistes le diront. 3, 4% des adoptés sont obsédés par cette quête car ils ont des histoires difficiles. C’est un faux débat qui devient obsessionnel ». Et visiblement, les témoignages des parents adoptants et enfants adoptés prouvent ce propos. Celui de Marianne par exemple : « Ma fille ne demande pas expressément à visiter le Cambodge. Quand elle est en colère, elle dit seulement : "Heureusement que j’ai ma vraie mère au Cambodge !". Cette question la préoccupe normalement ».
Les origines coréennes de Chang n’ont jamais fait partie de ses préoccupations : « Si un jour je retourne en Corée, ce sera pour découvrir avec ma femme et mes enfants le pays où je suis né, dans une simple démarche touristique. Pour le moment, je n’ai pas l’envie particulière de le visiter ». Malgré tout, Chang a souhaité rappeler ses origines en ajoutant son nom coréen aux prénoms de ses trois enfants : « C’est surtout un clin d’œil. J’assume ce que je suis ». Vincent a commencé des recherches sur sa mère biologique vers l’âge de 18 ans avant de les délaisser. « Je ne souhaite plus retrouver ma mère biologique ; j’ai peur d'être déçu. La seule chose que je voudrais lui demander, c'est les raisons pour lesquelles elle m'a abandonné et si elle éprouvait au fond d'elle des regrets. Quand j’aurais des enfants, j’aurais peut-être envie de savoir des choses sur ma mère ».
Et l’adoption des couples homos ?
Et n’oublions pas les couples homosexuels qui, pour le moment, sont loin de pouvoir adopter. Le docteur Monléon a un avis clair sur la question : « Leur débat parasite beaucoup les autres problèmes sur l’adoption. Je ne suis pas persuadé que beaucoup d’homosexuels veulent adopter. Ce qui les intéressent, c’est le droit pas l’adoption. Je pense personnellement que l’adoption par un couple homosexuel est un facteur de risque surajouté pour l’enfant car ça peut être plus dur d’être dans un foyer mis à l’écart. A une fragilité s’ajoute une autre fragilité ». Un avis qui ouvre la porte à un autre débat...
