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Billet de blog 29 janvier 2010

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Deuxième Guerre mondiale : quand la Côte-d’Or a sauvé des vies

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Il y a tout juste 65 ans, le 27 janvier 1945, Auschwitz, le plus tristement célèbre camp de la mort était "libéré" par l’armée rouge. Le symbole de ce qui fut l’un des plus ignominieux massacres de l’histoire de l’humanité (voulu par les Nazis) venait enfin de tomber. Le triste travail de mise à mort des juifs d’Europe avait battu son plein pendant plus de cinq ans, massacrant dans l’ignorance ou l’indifférence des millions de vies : plus de 6 millions de personnes tuées pour le simple fait d’être nées… Au milieu du chaos, des hommes se soulevèrent pour apporter leur aide aux persécutés. Dans tous les pays, dans toutes les provinces, il s’est trouvé des gens pour dire non au diktat de l’inhumain. Si la Côte-d’Or n’est pas à proprement parler une région célèbre pour son soutien envers les juifs, notons malgré tout quelques actes héroïques qui, dans l’obscurité de ces temps, prennent toute leur importance...

De la défaite au génocide


Après la défaite de l’armée française face aux troupes hitlériennes, la France signe l’armistice le 22 juin 1940 et institue un régime d’extrême droite qui utilise activement une propagande variée pour diffuser ses idées antisémites et xénophobes. Par ce biais, les mécontentements de la population française se centralisent sur des boucs émissaires. Les juifs sont les principales victimes de ce régime et sont peu à peu bannis de la société par des lois de plus en plus discriminantes. Une fois évincés de la société, humiliés et contraints d’être identifiés visiblement par l’étoile jaune, les juifs sont en effet placés dans des camps d’internement puis déportés dans des camps de concentration ou d’extermination dont la majorité ne reviennent pas.


Face à ces persécutions, la société française ne reste pas immobile comme on a longtemps pu le croire. Les chiffres parlent d’eux mêmes : sur les 320.000 juifs que comptent la France d’avant-guerre, 72.000 environ sont déportés, ce qui signifie donc que les 3/4 de la population juive française a survécu. En comparaison, le taux de mortalités chez les juifs des Pays-Bas est de 84%... Les associations juives organisent peu à peu des plans de sauvetage dans toute la France. Des associations non juives et des particuliers se mobilisent également pour venir en aide aux persécutés. L’aide apportée aux populations juives prend différentes formes et s’organise, la Côte-d’Or ne déroge pas à la règle.

Une terre de rébellion


La Côte-d’Or est un département dont la géographie (grandes étendues désertes, multiples forêts) permet l’éclosion de nombreux maquis. Elle se caractérise par une population qui, au cours de la guerre, devient de plus en plus hostile à l’occupant. La Résistance est importante et ne cesse de se développer. La capitale de la Côte-d’Or, Dijon, est occupée par les allemands du 17 juin 1940 au 11 septembre 1944. Elle est le siège de toutes les directions tant pour l’administration vichyste que pour l’administration militaire allemande et française. Selon Gilles Hennequin (Résistance en Côte-d’Or, tome V, Dijon, 2004), les premiers maquis datent de l’automne 1943 et connaissent un grand développement avec le débarquement des alliés. Pour le gouvernement de Vichy, le département de la Côte-d’Or est très vite "le plus agité de Zone occupée". La Résistance dans ce département est très active. Les forêts de l’Auxois accueillent des milliers de maquisards.

Les passeurs vers la vie


Nombreux sont les résistants "spécialisés" dans l’évasion et le passage de la ligne de démarcation des clandestins en tout genre. En Côte-d’Or, le nombre de passeurs est conséquent. Beaucoup d’entre eux ont sauvé la vie de juifs menacés en leur faisant passer la ligne de démarcation. Le réseau Grenier-Godard est l’un des plus importants, il a sauvé la vie de centaines de persécutés en leur fournissant faux papiers, nourritures, logements puis en leur faisant passer la ligne de démarcation. De par leurs actes héroïques, de nombreux résistants du réseau ont été déportés et tués. Il nous faut aussi évoquer l’action résistante des cheminots qui est primordiale dans le passage des clandestins. Ainsi, le réseau des cheminots de Seurre est l’un des plus importants de Côte-d’Or. Les structures d’accueil de la Côte-d’Or, sa situation géographique, la présence effective de maquis et la mentalité de sa population ont donc favorisé le secours et l’aide aux personnes juives. Cependant beaucoup des persécutés juifs n’auraient pu survivre sans l’aide vitale de personnes "bien placées".

Le soutien des élites


L’aide de personnalités de premier plan, des élites, est aussi effective. Les adjoints au maire de Dijon, Louis Picard et Charles Maldant, ont notamment aidé la famille Lévy-Picard en lui établissant des faux papiers et en facilitant le passage de la ligne de démarcation, alors qu’un plan de déportation était en cours. Nombreux sont par ailleurs les maires de même que les policiers à avertir les juifs de rafles à venir. Le Chanoine Kir a pour sa part sauvé la synagogue dijonnaise de la destruction en suggérant aux nazis d’en faire un entrepôt pour leurs armes (c'est du moins ce qu'il prétend dans ses mémoires). Certains employés de mairie détournent expressément la loi pour sauver des vies malgré les risques encourus. Citons par exemple Souny Félix, qui profite de son emploi de secrétaire à la mairie de Fontaines-lès-Dijon pour fournir de faux papiers à bon nombre de Français menacés. Il organise d’ailleurs un service de fausses cartes d’identités et est chef de renseignements pour le colonel Claude Monod, un farouche résistant. Les curés des villages ont parfois protégé les juifs en leur faisant de faux certificats de baptême et de mariage.

Les policiers sauveurs


Les rafles donnent lieu à une collaboration entre la police de sécurité allemande (Sipo) et l’appareil répressif français :"A cette participation active et massive de la police, s’est souvent opposée l’attitude individuelle de tel policier ou de tel gendarme qui a tenté parfois avec succès de venir en aide aux victimes des persécutions". L’exemple de Thérèse S., âgée de huit ans en 1940, est significatif. A Dijon, ses grands-parents et elle-même échappent de justesse à une rafle grâce à un commissaire de police : "A Dijon, ma tante connaissait un commissaire de police ; il fallait toujours aller se déclarer. Un jour elle arrive là-bas, il lui a dit : "Vous prenez tout de suite la porte de derrière, les Allemands sont là avec des camions et sont en train de ramasser les juifs. Maintenant, je vous fais sortir, vous prenez vos parents, la petite et puis vous partez." Ainsi, tout un pan de la population a contribué à sauver de la mort des juifs en mettant à profit leur situation professionnelle. D’autres personnes, souvent simples paysans ou agriculteurs, ont aidé au péril de leur vie les juifs par des actions risquées qui consistaient à les accueillir dans leur foyer ou à leur faire passer la ligne de démarcation.

La Nièvre : un refuge pour des centaines d’enfants juifs


De nombreux petits ont bénéficié de l’aide d’anonymes. Durant cette sombre période, les campagnes bourguignonnes ont accueilli en leur sein beaucoup d’enfants juifs. La Nièvre est l’un des départements ayant accueilli le plus grand nombre de ces enfants. Ce phénomène est mal connu mais il est pourtant très important : des centaines de petits ont en effet été cachés au sein de familles bourguignonnes. Ceci s’explique notamment du fait que la Nièvre est traditionnellement une terre d’accueil pour les enfants de l’assistance publique ; les structures d’accueil sont donc déjà en place. Les familles ne rechignent donc pas à prendre un enfant de plus. Si beaucoup de petits juifs ont trouvé dans ces familles d’accueil un deuxième foyer et ont reçu affection et tendresse, cela n’a pas été le cas de tous les enfants. Certains ont vécu un véritable calvaire au sein de familles, qui n’hésitaient pas à les exploiter ou à les maltraiter. La petite Geneviève G, cachée dans un village près de Decize, dut durant tout son séjour effectuer les corvées les plus difficiles sous les coups et sans jamais aller à l’école. Toute sa famille a été déportée. Les enfants sont cachés à l’aide d’organisme officiels ou non. Citons notamment l’OSE (l’œuvre de secours aux enfants et la Rue Amelot) qui tente durant toute la guerre de cacher un maximum d’enfants.


"Qui sauve un Homme, sauve l’Humanité" (Talmud)


Les actes de solidarité à l’encontre des juifs sont nombreux et variés. Ils prennent plusieurs formes : de la pétition à l’hébergement chez soi. Les plus répandus sont le passage de la ligne de démarcation et l’hébergement au sein de son foyer. En 1963 est institué le titre de "Juste parmi les nations" qui permet aux juifs d’honorer ceux qui les ont sauvés durant la deuxième guerre mondiale. Il s’agit de la plus haute distinction remise par Israël. Elle signifie la reconnaissance impérissable des personnes sauvées mais également de l’Etat d’Israël. La Côte-d’Or compte cinq Justes, la Nièvre dix, mais ces totaux ne sont pas représentatifs de l’aide apportée aux juifs dans ces départements. Avec 2.725 Justes reconnus, la France constitue un pays au taux très élevé. Ces Justes nous permettent aujourd’hui de regarder l’avenir avec dignité...

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