
Faire plus que l'autre, faire mieux qu'hier : la notion de performance est aujourd'hui réduite à son plus simple appareil. Pour Alain de Broca, neuropédiatre et philosophe invité à Dijon mercredi 26 janvier 2011 par les Amis de l'hebdo La Vie, il est possible de voir ce terme sous un angle plus optimiste, dans chaque "petit rien" de la vie quotidienne...
La performance, notion à la dérive...
"Je vais commencer par une série de questions, tirées d'exemples quotidiens, qui révèlent selon moi les dérives de la notion de performance. Dans le monde du travail tout d'abord, est-on vraiment plus performant si l'on doit licencier cinq salariés pour avancer ? Du côté de l'éducation, comment évaluer la performance d'un enfant hors norme avec les systèmes de notation habituels ? Un jeune dyslexique fera peut-être dix fois plus d'efforts pour arriver au même niveau que les autres ! En sport, est-on vraiment plus performant si l'on arrive deux fois premier à une course plutôt que deux fois quatrième ? Enfin, comment valider la performance d'une aide-soignante, qui fera le même nombre de toilettes dans la journée mais aura peut-être le mot qu'il faut, la petite attention qui changera le quotidien du patient ?"
- Conclusion n°1 : Aujourd'hui, la performance dépend du regard que l'on porte sur son action et de celui que les autres portent sur celle-ci. Le terme n'est jamais utilisé pour évoquer les relations humaines mais toujours dans un contexte de pression.
Meilleur que les autres ou meilleur avec les autres ? Telle est la question...
"La performance n'est pas qu'une notion négative. Elle est immanente à chacun d'entre nous et porte un vrai message d'optimisme : l'homme est vivant, plein de potentialités, en perpétuel mouvement. Aujourd'hui, ce beau mythe a été détourné pour tomber dans l'utopie du "mieux que l'autre, mieux qu'hier"... Selon moi, la performance ne doit pas être synonyme de "faire mieux que l'autre" mais plutôt "faire mieux que soi". A cette réflexion, j'ajouterai que la démarche n'est pas égoïste : elle prend son sens quand ensuite, elle est transposée de manière collective. Un orchestre constitué des meilleurs musiciens du monde pourra très mal jouer Mozart si le liant n'y est pas... Bien jouer ensemble au meilleur de soi-même, là est la performance."
- Conclusion n°2 : La performance part d'un développement personnel pour se déployer dans la relation avec l'autre.
Ce que nous disent Zeus et Prométhée
"La myhtologie grecque est une bonne base pour réfléchir à la place du progrès technique dans nos sociétés contemporaines. D'une part, Prométhée a donné à l'homme le feu et l'intelligence du fer ; Zeus, quant à lui, a offert à l'humanité la justice et la capacité de sollicitude. Il me semble que le progrès est donc notre capacité à mobiliser tous ces atouts. Seulement aujourd'hui, la notion de performance est cantonnée au progrès technique, en oubliant que l'homme a également en lui une autre facette que le fer et le bien-être...".
- Conclusion n°3 : La performance n'est pas uniquement synonyme de progrès technique mais réside également dans la capacité à être bon dans la relation à l'autre, la justice...
La performance : des "petits riens" qui font tout
"L'homme n'est jamais abouti, il est en développement permanent. Comment avance-t-il ? Dans la relation avec l'autre. Et l'on peut être performant dans cette relation, même sans un mot. Même quand la personne ne peut plus percevoir votre présence comme c'est le cas pour certaines démences. Face à une telle situation de fragilité chez l'autre émergent en nous des choses insoupçonnées : là est le progrès, la performance".
- Conclusion n°4 : Etre performant, c'est avancer grâce à l'autre dans sa propre humanité.