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Billet de blog 29 juin 2010

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Il faut sauver le camarade PCF !

«Ensemble disons clairement, non, Sarkozy n’avancera plus.» Voici la dernière phrase assassine prononcée par Pierre Laurent lors du 35e congrès du Parti communiste français (PCF) qui s'est tenu du 18 au 20 juin.

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«Ensemble disons clairement, non, Sarkozy n’avancera plus.» Voici la dernière phrase assassine prononcée par Pierre Laurent lors du 35e congrès du Parti communiste français (PCF) qui s'est tenu du 18 au 20 juin.Après neuf ans à la tête du PCF, Marie-Georges Buffet tire sa révérence et passe la main à ce dernier, élu avec plus de 80% des voix nouveau numéro un du PCF. Après Robert Hue (3,3 % des suffrages aux présidentielles de 2002), Marie-George Buffet (1,9 % des voix en 2007), la candidature de Pierre Laurent pour 2012 est-elle possible ? Après des résultats catastrophiques aux présidentielles et aux régionales, Marie-Georges Buffet a-t-elle laissé le Parti communiste dans un état de mort avancée ? Pierre Laurent va-t-il pouvoir le réanimer ? Éléments de réponses avec Isabelle De Almeida, secrétaire fédérale du Parti Communiste en Côte-d'Or...

Isabelle De Almeida, bonjour. Quel regard portez-vous sur Marie-Georges Buffet et ses neuf années passées à la tête du PCF ?


"C'est quelqu'un de très humain, très attentif, très à l'écoute de tous les militants. Nous la connaissions tout particulièrement en Côte-d'Or. Dans les années 1990, elle venait régulièrement dans notre département pour aider la fédération. Dans des périodes difficiles, comme les présidentielles en 2002, elle a essayé de tenir le cap de l'unité du parti (PCF). Elle a tenté de remettre fortement le militantisme et l'organisation du parti à la hauteur des enjeux politiques et de société. Sa préoccupation sur la question du féminisme fut primordiale pour promouvoir la prise de responsabilité des femmes dans notre parti et dans la politique en général. Elle avait une capacité à être entendue à l'extérieur, auprès des autres forces politiques. Elle est reconnue sur ses capacités institutionnelles : elle a été députée de la Seine-Saint-Denis mais aussi ministre de la Jeunesse et des Sports.


Avec la candidature de Marie-Georges Buffet aux élections présidentielles de 2007, le PCF a connu le pire score de son histoire (1,93%). En avril 2010, le parti a perdu la moitié de ses élus régionaux (95 en 2010 contre 185 en 2004 / quatre pour la Côte d'Or en 2010 contre six en 2004). Ces échecs répétés sont-ils imputables à la secrétaire nationale du PCF ?


Je ne suis pas dans la logique de croyance en un homme ou une femme providentielle qui règlerait tout. Ceux qui en appellent à des grands chefs, ça me fait plutôt froid dans le dos. Je suis pour une démocratie partagée, active et responsable, qui fait appel à l'intelligence, la prise de conscience et au débat collectif. Le responsable d'un parti est plutôt là pour permettre et garantir cette démocratie et pour faire aussi avancer des idées. La question de 2007 ne se porte pas que sur la décision de Marie-Georges Buffet d'être candidate. Je crois que c'est dans le titre du rassemblement, notre construction, ce que l'on a fait en 2006 avec les collectifs anti-libéraux. Après 2005, nous avons échoué les uns et les autres à tout de suite donner force au rassemblement pour contrer le Traité constitutionnel européen (TCE). Nous avons sans doute trop tardé.


Sur les régionales, la décision était aussi de créer des fronts de lutte, des fronts politiques pour contrer la droite politique dans notre pays mais aussi pour ouvrir des espaces un peu nouveaux à gauche afin d'avoir des propositions novatrices par rapport à la crise politique, sociale et économique. Il y a certes moins d'élus communistes : nous sommes quatre contre six auparavant mais en même temps, c'est quand même 130 élus impliqués dans le front de gauche qui portent ensemble les mêmes propositions. La démarche du Front de Gauche n'en est qu'à ses débuts.

Dans un entretien accordé à Libération, Dominique Andolfatto, maître de conférences à l’université de Nancy-II, fait le bilan de Marie-Georges Buffet. De sa politique, il évoque sa volonté d'avoir voulu poursuivre une "stratégie purement mémorielle", proche du mythe, et d'avoir tenter de conserver la "marque communiste". Que pensez-vous de cette analyse ?


Mythe mémoriel, je ne sais pas ce que ça veut dire ; une marque communiste, certainement puisque la décision des communistes a été de perpétrer le Parti, en tout cas de ne pas l'effacer soit dans un mouvement, soit dans une nébuleuse ou quelque chose aux contours un peu incertains, mais de le transformer en profondeur. Marie-Georges Buffet, en tant que secrétaire nationale, a œuvré pour cela.


Concernant le mythe mémoriel, quand je vois autour de moi les adhésions des jeunes, je constate que tout ce que l'on veut effacer de la mémoire collective des gens dans notre pays ne marche pas tant que ça. Même si on peut avoir des doutes sur le fait que les gens oublient vite le passé, je pense que ce n'est pas tout à fait vrai. L'histoire politique de notre pays a des marqueurs forts et les jeunes ont besoin aujourd'hui de repères, j'en veux pour preuve la question des retraites. Si c'est pour dire que c'est ringard, je pense qu'aujourd'hui la ringardise n'est pas du côté de ceux qui promeuvent le progrès social ou humain, elle est plutôt à trouver du côté du capitalisme.


Nous sommes lassés de ce type d'attaques, comme si nous tombions depuis tout petits dans la marmite communiste. Ces attaques font partie de la machine médiatique qui tend, à l'approche d'échéances électorales, à dire que le Parti communiste est mort ou fait partie des vieux meubles. Je ne crois pas que Marie-Georges Buffet était tournée du côté du mythe.


A une semaine du 35ème congrès du PCF, qui s'est déroulé du 18 au 20 juin 2010, 200 "communistes unitaires", ont décidé de rendre leur carte. Ces départs interviennent au moment même où Pierre Laurent, élu nouveau secrétaire national du PCF le 20 juin 2010 , entend poursuivre le "Front de Gauche", la transformation du parti et s'engage pour un "pacte d'union populaire". N'est-ce pas paradoxal ?


Oui, en effet, c'est paradoxal. Je me pose la même question que vous. Ces camarades qui pensent qu'il faut des transformations profondes avaient peut-être raison il y a quelques années. Cependant, on ne peut pas dire que depuis vingt ans, rien ne se soit passé dans le parti communiste, sur son fonctionnement, les changements de statuts, même si tout cela ne produit pas les effets escomptés. Je trouve que c'est un peu dommageable, au moment où tous ces chantiers sont mis en route, que ces camarades là nous privent de leurs réflexions et de leur apport. Critiquer aujourd'hui le Front de gauche qui serait trop restreint, tous les communistes se le disent. Il faut le rendre populaire. Le Front de gauche n'est pas un parti : c'est une démarche de rassemblement prompt à promouvoir un pacte d'union populaire en France pour 2012 et au-delà.


Ce pacte d'union populaire doit être la construction, le produit de tous les acteurs du mouvement social, associatif, du camp du progrès, des citoyens qui veulent s'emparer de la politique. Il s'agit d'inverser la tendance selon laquelle cela ne sert à rien d'aller voter car de toute façon, le politique ne peut rien. Ce pacte renvoie quelque part à la démarche du Front Populaire : il doit être l'appropriation du mouvement populaire.


Pierre Laurent, dont le père, Paul Laurent, était un proche de Georges Marchais, peut-il être le candidat directement désigné du PCF pour les présidentielles de 2012 ?


Le congrès a décidé de travailler déjà à l'élaboration de ce pacte d'union populaire et ensuite de se poser la question de la candidature. Aujourd'hui, je pense que la question est prématurée. Cela signifierait que les communistes, comme les autres, croiraient en l'homme providentiel et qu'en même temps, nous serions dans la même vague de présidentialisation avec tous ses côtés néfastes qui sont opérés aussi bien à droite qu'à gauche. Régulièrement, les électeurs communistes portent cette volonté là de battre la droite. Faire reculer la droite est un élément pour poursuivre le combat avec toute la gauche. Le souhait est de rendre majoritaire à gauche des politiques de rupture avec le libéralisme.


La démarche de Pierre Laurent s'inscrit-elle dans la continuité ou dans la rupture par rapport à la politique menée par Marie-Georges Buffet à la tête du PCF ?


J'espère que la période qui s'ouvre permettra plus de clarté, ce qui ne veut pas dire que Marie-Georges Buffet n'était pas claire. Les conditions politiques et de crise appellent à plus de clarté aussi sur notre stratégie de rassemblement. A partir de 2008, avec la démarche de Front, il s'agit de travailler le projet communiste. Il ne s'agit pas d'avoir un Parti communiste identitaire à un moment et rassembleur à un autre. Son identité est d'être rassembleur. Je crois que Pierre Laurent l'a bien précisé. Quels sont les moyens d'aboutir à une politique commune à gauche ? Le pacte d'union populaire est l'un de ces moyens et le Front de Gauche est un outil pour y parvenir. Nous connaissons nos divergences avec le Parti de gauche qui voudrait que le Front de Gauche devienne un nouveau parti à la Die Linke comme en Allemagne.

L'hebdomadaire L'Express, entre autre, dit de Pierre Laurent qu'il est "timide et peu charismatique". Qu'en pensez-vous ?


Pierre Laurent est plutôt quelqu'un de pausé et de réservé, timide je ne crois pas ; ce n'est juste pas quelqu'un qui se met en avant. Je sais bien que ce qui peut attirer certaines personnes est le côté tribun. L'idée d'avoir un chef qui parle bien et qui dirait les bons mots, qui scanderait quelques slogans qui suffiraient à la prise de conscience collective, je n'y crois pas. Il possède un excellent esprit de synthèse et un esprit de clarté. Il ne veut pas de positions en demie-teinte mais souhaite écouter tout le monde et entendre les propositions alternatives.


Marie-Georges était certes plus connue par d'autres responsables de formations politiques du fait qu'elle ait été ministre. Pierre Laurent n'est pas connu dans la sphère politique et médiatique comme l'était Marie-Georges Buffet à la même époque. En même temps, il est quelqu'un qui connaît bien le monde des médias puisqu'il a été directeur de la rédaction de l'Humanité."

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