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Billet de blog 29 juin 2010

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L'Emploi des séniors... à la retraite?

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Selon les chiffres du ministère du Travail*, le taux d’emploi des seniors atteint 39% en France alors qu’il s’élève à une moyenne de 44,7% dans l’Union européenne. Les uns songeaient à une retraite anticipée dès 55 ans, les autres se voyaient bien travailler jusqu'à 65 ans. Jeudi 24 juin 2010, ces séniors manifestent à l'appel des syndicats contre le projet de réforme des retraites du gouvernement. Quelles sont les causes, qui sont les responsables du chômage des séniors ? Quelles mesures doivent être prises rapidement ? Y-a-t-il encore de la place en France, pour les salariés compétents, expérimentés et qualifiés ? Éléments de réponses auprès de syndicats régionaux des salariés et du patronat...

Plans d'actions séniors


Sandrine Mourey, secrétaire de l'Union départementale de la CGT Côte-d'Or (CGT21), en charge du dossier des retraites, estime que l'entreprise est la première cause responsable du chômage des séniors : "Ce sont d'abord les entreprises qui mettent les salariés au-delà de cinquante ans hors de l'entreprise. Elles jugent ces salariés trop chers et pas assez rentables, c'est la première cause." La seconde viendrait de la pénibilité du travail dans certaines branches de métiers : "Après 50, 52 ou 53 ans, les salariés sont usés pour certains emplois. Ils peuvent être licenciés et mis directement en invalidité pour une inaptitude au poste de travail. Les entreprises n'ont pas du tout de stratégie pour garder les séniors dans l'entreprise."


Le gouvernement imposait l’obligation pour les entreprises de cinquante salariés et plus d’être couvertes, avant le premier janvier 2010, par un accord collectif d’entreprise ou de branche, ou d’avoir établi un plan d’action en faveur des salariés âgés : "Il y avait eu un accord qui devait être mis en application au plus tard au premier janvier 2010 où les employeurs devaient signer des accords dans l'entreprise pour l'emploi des séniors. Toutes les entreprises de moins de cinquante salariés ont été exemptées de cette mesure. En Côte-d'Or, la majorité des entreprises, environ 80%, sont des entreprises de moins de cinquante salariés. De l'aveu même des chefs d'entreprise, les stratégies des directeurs des ressources humaines (DRH) se focalisaient sur la manière d'échapper à la pénalité de 1% si leur direction ne signait pas d'accord avant janvier 2010."
Mécanique des entreprises


Le ministre du Travail Éric Woerth a présenté le 16 juin 2010 sa réforme des retraites. Les négociations avec les syndicats sont lancées. L'âge légal de départ à la retraite est porté à 62 ans: "C'est le cœur de notre réforme", a-t-il expliqué. Également, la durée de cotisation passera à 41 ans et un trimestre en 2013, et à 41,5 ans en 2020. "A partir de 60 ans, le taux d'activité français devient le plus faible d'Europe", a déploré Éric Woerth. "Le report de l'âge légal permettra d'augmenter mécaniquement ce taux d'activité". Le ministre du Travail a annoncé, en plus du développement du tutorat, "une aide à l'embauche d'un an pour les chômeurs de plus de 55 ans".


Selon Sandrine Mourey, "la politique gouvernementale privilégierait les exonérations de charges pour les entreprises et ne prendrait pas de vraies mesures contraignantes suivies de sanctions, si les employeurs ne faisaient rien pour garder ou recruter les séniors de plus de cinquante ans. Éric Woerth nous dit que le report de l'âge légal va mécaniquement changer les stratégies des DRH des entreprises. Il va falloir nous expliquer ce mécanisme alors que les entreprises continuent massivement à licencier. Aucune pénalité en vue pour les mauvais employeurs si ce n'est de nouvelles exonérations pour les entreprises. C'est quand même trente milliards d'euros par an qui échappent aux cotisations ! Ces exonérations doivent soit-disant servir à l'emploi et aux salaires.


Il n'y a pas une vraie politique contraignante permettant au salarié de se maintenir dans l'emploi. De plus, lorsque l'on voit comment va être traitée l'invalidité !... Car souvent les séniors, les plus de cinquante ans, sont virés de l'entreprise ou sont contraints d'en partir parce que l'entreprise n'investit pas sur les postes de travail ou dans la formation. Dans le projet gouvernemental, on va voir que les salariés auront peut-être le droit de partir à 60 ans avec un taux d'invalidité de 20%, c'est lourd. A part ça, qu'est-ce qui va contraindre les entreprises à garder les séniors ? Rien !"


Trop cher et sur-qualifié


Frédéric, 54 ans, cadre dirigeant dans un grand groupe équipementier automobile, a été licencié économiquement en 2009. Toujours demandeur d'emploi, il a essuyé de nombreuses réponses négatives : "A chaque fois, le motif était lié au coût : trop cher ! Pourtant, en terme de salaire, je n'avais pas d'exigences particulières, mes prétentions étaient à hauteur du prix du marché. Il m'arrivait également de présenter un CV en-dessous de la réalité. Le paradoxe est que, si vous revoyez vos prétentions salariales à la baisse, cela pourra être considéré comme suspect par les RH. Ces derniers pourront considérer que vous ne souhaitez pas vous inscrire dans la durée et que vous envisagez déjà de trouver un poste plus important ailleurs et plus tard. Recruter un sénior au chômage peut paraitre intéressant pour le coût mais il y a deux politiques pour les chasseurs de tête : soit vous êtes au chômage et êtes considéré comme bon marché, soit vous êtes en activité et vous vous faites débaucher mais vous coûtez cher. Aussi, mon dernier intitulé était "directeur général" et je ne faisais apparaître sur mon CV que "responsable de division", un poste moindre. En plus de coûter cher, on craint d'être sur-qualifié."

Problème de représentation


Emmanuel Boulay, secrétaire général du syndicat patronal des PME PMI, la CGPME de Bourgogne, en charge de toutes les questions emploi et formation, estime que la réforme des retraites n'aura aucun impact sur le chômage des séniors : "Cette réforme ne va rigoureusement rien changer. Ce n'est pas par décret que l'on dit qu'un sénior : "Va au travail ou pas!". Il n'y a pas de lien ; soit il y a du travail, soit il n'y en a pas. C'est un problème de société dans sa globalité. Ce n'est pas la peine non plus de stigmatiser ni les entreprises, ni les séniors, ni les syndicats de salariés. On a autant de cas particuliers que d'entreprises en ce qui concerne les PME. Bien que l'Etat souhaite nous mettre des syndicats de salariés dans les entreprises de moins de onze salariés, la première solution est de connaître les collaborateurs et de gérer les compétences au cas par cas."


Selon le secrétaire général de la CGPME de Bourgogne, il s'agit d'un problème de représentation qui devient un problème de société puisque l'entreprise est elle-même un acteur de la société. Il revient sur les licenciements groupés opérés par tranche d'âge dans les grandes entreprises : "C'est cela qui a fait du mal aux séniors en plus du fait qu'ils coûtaient trop cher. Il faudrait que dans toutes les entreprises, on adopte un principe simple de gestion des compétences sans stigmatiser personne. Ce n'est pas parce que le jeune est inexpérimenté qu'il n'a pas le droit de démarrer et ce n'est pas parce que le sénior est expérimenté et reçoit un salaire plus important, qu'il n'a pas le droit de rester à son poste. Il faut comparer son salaire avec la productivité réelle, avec ce qu'il peut apprendre aux jeunes qui sont dans l'entreprise. Ce sont les mesures à la hache dans les grandes entreprises, qui ont fait du mal, sans tenir compte des réalités humaines."

Spirale infernale


Quant à lui, Édouard Guerreiro, secrétaire général de l'Union départementale des syndicats de Force Ouvrière de Côte-d'Or (UDFO) pense que les séniors redeviennent des variables d'ajustement dans l'entreprise : "Lorsqu'il y a des difficultés au sein de l'entreprise, ce sont les premiers qui sont licenciés et ce sont ceux aussi avec lesquelles on négocie des départs."


"Il y a quelques années, nous revendiquions le départ à la retraite des salariés dans la branche du bâtiment et les travaux publics à 55 ans. Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait qu'entre 40 et 45% de ces salariés qui arrivaient à l'âge de la retraite. Le reste, c'est-à-dire entre 60 et 65%, étaient soit malades soit au chômage suite à des accidents. Il faut arrêter de détruire l'emploi dans ce pays ! Aujourd'hui, justement dans le bâtiment et les travaux publics, on va supprimer de l'emploi parce qu'il y a moins de commandes dans les communes ; pourquoi ? Parce qu'on réduit les budgets ! C'est une mécanique sans fin que l'on est en train de mettre en place, qui va nous porter préjudice à tous. Lorsqu'il n'y a plus de commandes, dans cette branche, les routes, les grands projets, que fait-on ? C'est tout un secteur qui s'effondre. Les premiers qui en pâtissent sont les jeunes et les séniors."

* Chômage : Chiffres Pôle Emploi - Emploi des séniors
Dijon : Janvier 2009 : 21207 ; Mars 2010 : 25221 ; Progression sur 15 mois : 18,9% / Séniors : Janvier 2009 : 3406 ; Mars 2010 : 4191 ; Progression sur 15 mois : 20,3%.
Côte-d'Or : Janvier 2009 : 29076 ; Mars 2010 : 34456 ; Progression sur 15 mois : 18,5% / Séniors : Janvier 2009 : 4950 ; Mars 2010 : 6066 ; Progression sur 15 mois : 22,5%.
Bourgogne : Janvier 2009 : 92538 ; Mars 2010 : 109233 ; Progression sur 15 mois : 18,0% / Séniors : Janvier 2009 : 16744 ; Mars 2010 : 20639 ; Progression sur 15 mois : 23,3%.

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