
En France, ils sont réputés pour leur discrétion. Or, le 15 juin 2010, la majorité des protestants évangéliques, qui constituent l'une des branches du protestantisme au sein du Conseil national des évangéliques de France (CNEF), a décidé de se constituer en association. Objectifs ? Gagner en visibilité et soigner leur image. Il faut bien avouer que pour le non initié, difficile de s'y retrouver entre les différents courants issus du protestantisme. Pour en savoir davantage, dijOnscOpe a échangé avec les membres du CNEF et a recueillis les avis de deux pasteurs évangéliques dijonnais, sans oublier de contacter la Fédération protestante de France (FPF), qui rassemble par ailleurs la grande majorité des protestants français...
"Jésus-Christ est le seul chemin pour être sauvé !"
"La création du CNEF s'explique par plusieurs facteurs, à commencer par l'augmentation importante du nombre de protestants évangéliques ces dernières décennies. Depuis une soixantaine d'années, le nombre de protestants évangéliques en France a été multiplié par 8", précise Stéphane Lauzet, co-directeur du CNEF, chargé de la communication. Aujourd'hui, les protestants évangéliques sont estimés à environ 450.000 dans l'Hexagone, soit près d'un tiers des protestants de France. Le protestantisme se caractérise notamment par une grande diversité d'Églises au sein du courant évangélique, avec une quarantaine de dénominations.
"Avec 35 nouvelles églises par an, le courant évangélique français s'illustre par sa vitalité", se félicite Stéphane Lauzet. Pour autant, le co-directeur du CNEF se dit conscient que cette multitude d'Églises brouille le message évangélique. "C'est pourquoi la majorité des mouvements évangéliques ont décidé de créer une instance représentative dans un souci de cohérence, pour simplifier la donne, afin de donner une meilleure visibilité du protestantisme évangélique. Il s'agit également de favoriser la collaboration entre ses membres pour porter ensemble le message de l'Évangile." Le nombre de personnes fréquentant les églises membres du CNEF est estimé à plus de 250.000.
"Le courant évangélique appartient aux Églises issues de la Réforme et il apparaît donc à la même époque que le courant luthéro-réformé." Mais en France, ce n'est qu'à partir des années 1970 qu'il prend son essor. Stéphane Lauzet nous rappelle surtout que "les évangéliques croient que la Bible est la parole de Dieu et que Jésus-Christ est le seul chemin pour être sauvé. Mais surtout, ils pensent qu'on ne nait pas chrétien et ils attachent donc beaucoup d'importance à la conversion. Enfin, pour eux, il est aussi très important de témoigner de sa foi."
Concurrence entre les protestants ?
Né en 2001 du rapprochement entre différentes branches protestantes évangéliques, le CNEF s'est officiellement constitué en association le 15 juin 2010. De 2001 à 2010, le CNEF a progressivement repris les missions d'autres instances évangéliques qu'il a lui-même peu à peu absorbé. Mais là encore, les choses ne sont pas simples. En effet, "de 70 à 75 % des mouvements évangéliques adhèrent au CNEF. Cependant, quelques uns sont isolés ou ne sont représentés qu'au sein de la Fédération Protestante de France (FPF) qui regroupe environ 25% des mouvements évangéliques de France. D'autres revendiquent au contraire une double appartenance, à la foi au CNEF et à la FPF. C'est par exemple le cas de la fédération des Baptistes.
Assan Merabti est justement le pasteur de la communauté baptiste de la Fontaine d'Ouche à Dijon. Il se place clairement, selon ses propres termes, dans "une dynamique de double appartenance" et se dit "profondément attaché au rôle de pont et de point médian" de l'Église baptiste. "Le fonctionnement de chacune des églises est autonome. Les fidèles décident du programme et du pasteur." Assan Merabti, par ailleurs aumônier militaire à la BA 102, a donc été élu par les fidèles de son église. Il nous apprend que sa communauté rassemble environ 170 personnes, essentiellement sur Dijon, mais certains n'hésitent pas à venir de loin de l'autre bout du département pour célébrer le culte.
Quant à l'évolution du CNEF en association depuis le 15 juin 2010, Assan Merabti s'en réjouit : "Enfin, les évangéliques se rassemblent ; c'est un choix cohérent !" Le pasteur nous confie son rêve : voir un jour le CNEF et la FPF se rassembler au sein d'une seule et même entité. Michel Marvane, pasteur à l’église évangélique du Tabernacle, à Chenôve poursuit : "Nous attendions cette création officielle du CNEF. Malgré nos différences, nous sommes tous issus de la Réforme et nous portons tous le message de l'Evangile." Cependant, le pasteur chenevelier nous avoue que l'actualité du CNEF ne modifie pas de manière immédiate la vie de son église, qui regroupe quand-même près de 230 fidèles.
"On ne peut pas parler d'égal à égal..."
Michel Marvane explique également qu'à Dijon, "les pasteurs se rencontrent régulièrement au sein de pastorales locales. Ces rencontres regroupent les six églises évangéliques présentes à Dijon et parfois, l'Église réformée se joint à nous." Les rapports ne sont pas forcément simples entre les différentes tendances du protestantisme français. A ce sujet, Muriel Menanteau, responsable du service information/communication à la Fédération Protestante de France (FPF) précise la position de la fédération : "Nous sommes aux côtes du CNEF mais attention ! Nous ne pouvons pas parler d'égal à égal car nous sommes deux organismes dont les buts sont différents."
Et de poursuivre : "Nous sommes une fédération : nous avons pour but de représenter l'ensemble des protestants de France, qu'ils soient évangéliques, luthériens ou réformés . Certains médias ont opposé de façon un peu binaire le CNEF et la FPF. Le monde protestant est très divers et ça fait partie de sa nature. Il se trouve que les évangéliques regroupés au sein du CNEF ont décidé d'avoir leur propre communication. C'est très bien, d'autant qu'ils ont souffert d'un certain discrédit et de désinformation à leur sujet. Mais pour autant, la FPF n'a pas perdu de membre. De plus, la moitié des membres du CNEF fait aussi partie de la FPF. Ce serait une grosse erreur de mettre en concurrence les deux structures."
Pour Stéphane Lauzet, co-directeur du CNEF chargé de la communication, les buts entre le CNEF et la FPF sont différents :"Notre objectif en tant qu'évangéliques, c'est d'annoncer l'Évangile ensemble; la FPF n'a pas cet objectif. Pour autant, nous avons des chantiers communs", concède-t-il. Quand aux raisons du succès des Eglises évangéliques, il l'explique par l'accès à une foi très personnelle, qui laisse toute sa part à l'émotion. Ensuite, d'après lui, le message de l'Évangile sera bien perçu comme une réponse aux problèmes actuels. Mais le plus important, d'après lui, et au dessus de tout : "C'est l'action de l'Esprit..."
