
Une visite, des fleurs, une prière pour certains... Les 1er et 2 novembre, les cimetières seront l'attraction du peuple des vivants. Les costumes d'Halloween remisés au placard, nombreux sont ceux qui viendront se recueillir sur les tombeaux familiaux. Une visite annuelle un peu mystique, bien loin des questions matérielles... qui doivent pourtant être posées : comment et par qui sont gérés les cimetières ? Combien cela coûte à la commune et aux particuliers ? Quelles sont les démarches administratives auxquelles penser ? Petit rappel en bonne et due forme...
Réclamation post-mortem
"Il y a plus de morts que de vivants ; ce sont les morts qui dirigent les vivants". Sous bien des aspects, Auguste Comte avait vu juste. Morts et enterrés, les défunts n'ont pas perdu leurs droits sur les vivants pour autant. Faute de réclamation de leur part, c'est la loi qui en est le porte parole privilégié. Ainsi, l'article 225-17 du code pénal réprime notamment toute atteinte à l'intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit. Et le garant de ce respect dû au défunt est le maire, puisque le cimetière relève du service public administratif, dont la compétence de gestion et de sécurité est exclusivement communale. En clair, il incombe aux communes de veiller au repos paisible des défunts, sous peine de poursuites pénales. "C'est une responsabilité énorme pour elles ! On fait peser un poids très lourd sur les maires, surtout ceux des petites communes qui n'ont pas les moyens de s'offrir un service spécialisé dans le domaine", relève Gilles Bordes, PDG du bureau d'études techniques Elabor. C'est pour cela qu'il y a plus de quinze ans, son entreprise s'est penchée sur un concept quasi-inédit alors : aider les communes à gérer leur cimetière. En les cartographiant et en proposant des projets d'aménagement notamment. "Je peux vous dire qu'on ne se fait jamais mal accueillir par une mairie. Certaines refusent nos services, pour une question de budget parfois, mais jamais un maire ne nous envoie balader en prétextant qu'il n'a pas besoin de notre aide... Ils sont bien souvent désemparés", ajoute le chef d'entreprise.
Les morts hantent les maires...
Et il y a de quoi l'être... En l'absence du maire ou de l'un de ses adjoints, il arrive dans les petites communes que la secrétaire de la mairie doive prendre la décision d'inhumer ou non un corps ! Et puis il faut également compter sur les contentieux qui existent entre villageois, vis-à-vis desquels la mairie se retrouve souvent en porte-à-faux au sujet de l'emplacement des corps : "Un cimetière concentre tout le passé du village, les bons comme les mauvais moments", souligne Gilles Bordes. De plus, avec la loi de 1993 et l'ouverture du marché du funéraire à la concurrence, le maire a dû redoubler de vigilance pour s'assurer du respect de la loi. N'importe quelle entreprise de pompes funèbres pouvant désormais entrer dans un cimetière. S'ajoute à cela le problème de saturation rencontré par de nombreuses communes. La ville de Dijon, elle, a la chance d'être pourvue de l'un des plus grands cimetières de France. Trente hectares sont en effet consacrés à accueillir les défunts, résidents ou décédé dans la commune, ou ayant une concession dans le cimetière des Péjoces. Ainsi, 134 000 personnes y sont inhumées ou en ossuaires. Et si la place venait à manquer, six hectares sont disponibles pour une éventuelle extension. Cela ne risque pas d'arriver avant un bon moment puisque 5000 places de sépultures sont encore vacantes. A raison de 600 inhumations par an, et en prenant en compte qu'environ 200 tombes (soit environ 600 corps) sont relevées annuellement, la réserve de places reste sans arrêt stable.
Chers défunts
Pour gérer son cimetière, Dijon est dotée d'un personnel spécialisé : le service d'État civil, qui touche à l'aspect démographique de la ville (une équipe de 3 personnes). En plus de cela, une équipe des espaces verts s'occupe de l'intérieur et de l'extérieur du cimetière (11 personnes). S'ajoute à cela une entreprise de réinsertion interne qui creuse les tombes, s'occupe des exhumations et des regroupements (11 personnes). Le contrat d'un an arrivé à échéance, la mairie a lancé un nouvel appel d'offres à hauteur de 350 000 euros : "Ce marché public est ouvert aux entreprises de réinsertion, car c'est un travail difficile", explique Christian Clément, conservateur du cimetière. La commune n'est pas la seule à mettre la main à la poche. Les particuliers aussi ont des frais, en dehors des funérailles. L'emplacement d'une sépulture est en effet louée à la commune : c'est la concession. Pour Dijon, il en existe quatre types : celle de moins de 15 ans (pour 242 euros), de moins de 30 ans (540 euros), de moins de 50 ans (1280 euros). Arrivé au terme du contrat, le service de la ville envoie un courrier à la famille pour les avertir et pose un mot sur la tombe. La famille parfois introuvable ou alors ne souhaitant pas renouveler son contrat, la tombe en question est "relevée" au bout de deux ans. Cela signifie que l'emplacement est rendu disponible pour un nouvel arrivant. Les ossements de son ancien occupant sont alors crématisés et mis à l'ossuaire, ou alors ces cendres sont répandues dans "le jardin du souvenir".
Quand les vivants abandonnent leurs morts
Le dernier type de contrat est la concession dite perpétuelle, qui coûte 8345 euros. "Même perpétuelle, une concession n'est jamais une propriété. En plus, cela est sous réserve que la famille maintienne l'emplacement en bon état d'entretien", explique Christelle Genin, responsable du service juridique de la société Elabor. La problématique de la tombe à l'abandon se pose en effet dans de nombreux cas. "Cela ne veut pas dire qu'il y a abandon de la famille : une tombe peut-être visitée et fleurie et considérée comme abandonnée. Le maire, garant de l'ordre, l'est aussi de la décence du site. Le terme est donc employé pour les tombes délabrées, les stèles déjointées... On fait alors une procédure de reprise de concession à l'état d'abandon", ajoute la juriste. A Dijon, l'étendue du site permet de ne pas reprendre de tombes. "Pour l'instant, on ne gère pas ces questions de concessions un peu douteuses, estime Christian Clément. Si une stèle menace de tomber, on la couche sur le monument".
Autre particularité du cimetière de Dijon sont les différents cultes religieux qui ne se mélangent pas. Un carré israélite et un autre musulman (où les corps sont tous respectueusement dirigés vers la Mecque) figurent en effet dans le cimetière. Dans un autre genre, les personnes indigentes aussi ont leur emplacement dans un polygone commun : la commune fournit le caveau, et même, paye les frais d'inhumation lorsque le défunt n'a personne pour le faire. "Mais si on retrouve la famille, et cela arrive, assure le conservateur du cimetière, on lui présente la facture".
