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Billet de blog 30 octobre 2009

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«Le jour où Dieu est parti en voyage» : au coeur du génocide rwandais

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Parce que chaque génocide est indicible, il est difficile à expliquer et à montrer. Le cinéma s’y tente souvent avec plus ou moins de réussite. Avec son film « Le jour où Dieu est parti en voyage », Philippe Van Leeuw réussit à aborder le génocide rwandais d’un œil nouveau. La victime est au centre de l’histoire. Point de sensationnalisme ou d’images chocs, dans ce premier film présentée hier soir jeudi 29 octobre au cinéma Devosge à Dijon. Retenue et suggestion renforcent sans doute ce que l’image aurait dénaturé...

Printemps 1994...


L’histoire commence en avril 1994 alors que le génocide a débuté. Le spectateur est tout de suite happé par le drame de Jacqueline, nourrice dans une famille belge. Au moment où les Européens sont évacués, la jeune femme est cachée dans le grenier de la maison. Elle échappe ainsi aux tueurs et tente de rejoindre ses enfants qu’elle retrouve sans vie. Elle fuit alors vers l'ouest du pays et se réfugie dans les marais. C’est là que se cachent bon nombre de Tutsis. Durant plus d’une heure trente, le spectateur suit la longue dérive de cette femme. Figée dans un mutisme, Jacqueline survit en compagnie d’un compagnon d’infortune. Lentement mais sûrement, la jeune femme s’enfonce dans la folie...

Comment survivre au génocide ?

Avec ce premier film, Philippe Van Leeuw a voulu aller au-delà du génocide proprement dit et parler de la survivance : « Est-ce qu’on survit à un tel traumatisme ? ». Le réalisateur s’est inspiré de l’histoire personnelle d’amis belges. Revenus du Rwanda en laissant derrière eux leur nourrice, ils ne purent jamais se le pardonner. « Le jour où Dieu est parti en voyage » ne se veut pas explicatif mais simplement démonstratif. Peu d’explications et de repères dans ce film où le spectateur est plongé sans préavis dans le drame de Jacqueline. A cette absence de bornes chronologiques et géographiques, Philippe Van Leeuw répond qu’il ne voulait pas établir un historique mais aller à l’essentiel : transmettre la violence et faire surgir la question de la survivance : « Jacqueline est la victime ultime qu’on peut retrouver ailleurs, dans un autre génocide. »

Suggérer sans choquer


La force de ce film réside dans la suggestion. Ici les images sanglantes sont absentes. Le réalisateur a préféré laisser le spectateur imaginer : « Par le son, on génère un sensationnel qui permet de restituer une vraisemblance qu’on n'a pas avec l’image. » Il est vrai que certaines scènes sont éloquentes. Ainsi, cet épisode durant lequel Jacqueline, cachée dans le grenier, assiste sans le voir mais en l’entendant au meurtre de Tutsis. Seul son regard terrifié et les cris extérieurs attestent de la violence des massacres. L’intonation, les suppliques, les bruits sourds révèlent alors toute leur importance. Ce que l’on pourrait prendre pour de joyeux cris d’enfants apparaissent dans ce qu’ils sont : des clameurs de désespoirs.

Sortie au Rwanda ?


Si l’histoire est une fiction, elle s’inspire de témoignages de rescapés Tutsis. Tous les acteurs sont Rwandais, Ruth Keza Nirere alias Jacqueline, avait neuf ans lors du génocide. Le but du réalisateur est désormais de diffuser son film au Rwanda et de « montrer la souffrance à ceux qui l’ont perpétrée. Les premiers visionnages semblent convaincants, selon Philippe Van Leeuw : « les survivants ont le sentiment qu’on leur a donné la parole ». Le film a en tout cas un indéniable mérite : aborder la question du génocide rwandais sous un angle intimiste et pudique, ce qui est n’était pas le cas des réalisations cinématographiques précédentes.

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