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Dijon / Bourgogne

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Billet de blog 30 décembre 2009

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Céline et Sarah graciées, Akmal exécuté : Deux "Républiques", trois destins

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Quatre kilos d'héroïne dans les bagages du britannique Akmal en Chine. Six kilos de cocaïne dans ceux de Céline et Sarah en République Dominicaine. Les deux jeunes françaises regagnent dans quelques heures le sol français et leur ville de Besançon. Le dernier voyage d'Akmal est déjà terminé après une injection létale à Urumqi, capitale du Xinjiang. République Dominicaine, République Populaire de Chine : quand la première privilégie une diplomatie motivée -entre autres- par sa dépendance à l'industrie touristique, l'autre revendique sa toute-puissance en "exprimant son vif mécontentement et son inébranlable opposition aux accusations britanniques sans fondement". A l'heure où chagrin et joie sont immenses de part et d'autres de la Manche, qu'est-ce qui justifie ces destins si différents ?

Piégés par des trafiquants ?


Céline et Sarah ont toujours clamé leur innocence, affirmant que "la drogue avait été placée dans leurs bagages à leur insu", alors qu'elles embarquaient dans un avion pour Paris après avoir passé une semaine de vacances en République Dominicaine. La famille d'Akmal Shaikh, rappelant pour sa part le "fragile état mental" de l'accusé, affirme avec le soutien de l'ONG britannique Reprieve (militant contre la peine de mort) que ce dernier a été piégé par des trafiquants qui lui avaient promis un contrat pour enregistrer un disque. Akmal Shaikh avait en effet écrit une chanson diffusée sur Internet, "Come Little Rabbit", dont il espérait faire un succès international pour contribuer à la paix dans le monde.


Naturellement, il n'est pas question ici de juger de la culpabilité, de l'innocence ou de l'état d'incapacité d'un accusé. Alain Joyandet, Secrétaire d'État à la Coopération très impliqué dans la libération des deux jeunes Françaises, est lui même resté vague quant à son appréciation de l'innocence de Sarah et Céline : mardi 29 décembre, en direct sur TF1 depuis Saint-Domingue, il s'en est pris aux "réseaux qui utilisent la crédulité des jeunes". Réaction pour le moins prudente voire énigmatique alors que l'émotion du moment aurait pu susciter un soutien plus catégorique...

"Come Little Rabbit", une chanson pour la paix


Selon certains de ses proches, "Akmal Shaikh était allé en Chine dans l'espoir de signer un contrat avec une maison de disques". Sa chanson, "Come Little Rabbit" (Viens Petit Lapin) est un hymne pacifique, une ode à l'innocence : "Viens petit lapin, viens me voir, un seul peuple, un seul monde, un seul Dieu", chantait d'une voix discordante ce père de trois enfants qui aurait, selon le journal britannique Guardian, commencé à dériver après l'échec de son mariage en 2001. Enregistré à Varsovie en Pologne avec l'aide de deux Britanniques, Paul Newberry et Gareth Saunders, "Come Little Rabbit" est, selon ces derniers, l'"œuvre d'un homme très malade". Gareth Saunders raconte avoir "dit à Shaikh que sa chanson était "épouvantable" mais celui-ci était persuadé qu'elle était ce que le monde attendait".


Si l'enquête de la Cour suprême chinoise conclut que "rien ne permet de soupçonner une maladie mentale chez Akmal et qu'en conséquence la demande (de grâce) n'est pas acceptable", l'organisation Reprieve, sans cynisme aucun, qualifie le condamné d' "homme psychiquement malade qui voulait sauver le monde avec un lapin ; Akmal Shaikh était obsédé par l'idée de faire une carrière internationale et recherchait tant le contact humain qu'il aurait été facile pour quelqu'un de l'exploiter", ce que la famille du condamné confirme, assurant qu'il a été abusé par des trafiquants de drogue qui lui ont donné la valise remplie de quatre kilos d'héroïne...

Graciées mais pas acquittées


Alors que dans le cadre du dossier Akmal Shaikh, la Chine réaffirme sa souveraineté totale pour l'application de peines à des étrangers sur son territoire, la République Dominicaine travaille depuis trois ans avec la France à la mise en place d'une convention de transfèrement des détenus, ouvrant la voie à un retour de Français emprisonnés dans ce pays des Antilles. Le texte vient d'être approuvé par le Sénat dominicain le 16 décembre. Néanmoins cette procédure ne sera pas enclenchée, Sarah et Céline ayant obtenu la grâce présidentielle, tradition de Noël que la République Dominicaine octroie généralement pour des raisons humanitaires et qui, dans la majorité des cas, se traduit par un pardon absolu. Cette grâce a été accordée par le Président Leonel Fernandez et le gouvernement dominicain mercredi 23 décembre, annulant ainsi la condamnation à huit ans de prison pour trafic de drogue prononcée fin 2008. Le même décret présidentiel a rendu sa liberté à un Américain et deux ressortissants dominicains.

Le soutien dijonnais aux deux Bisontines


Stéphanie, étudiante dijonnaises signataire de la pétition en faveur des deux jeunes filles, rappelle combien elle a pu se sentir "concernée" par le sort de Céline et Sarah : "Même si la proximité géographique avec Besançon n'est qu'anecdotique, je me suis immédiatement sentie solidaire de personnes dont la vie semblait tellement proche de la mienne". Philippe Seux, conseiller municipal MoDem de Talant également signataire de la pétition, se souvient : "J'ai entendu parler de l'affaire dès ses débuts, sur une radio locale de Franche-Comté. Rapidement, j'ai déposé à l'attention des deux détenues plusieurs messages de soutien, qui leur étaient retransmis par Nabyla, soeur de Sarah, qui a vraiment fait un travail admirable". Mi-décembre, Nabyla devait venir donner une conférence à Dijon, avec le soutien de Sara Horchani et l'association Liberté-Culture. Finalement, apprenant que des tractations avançaient à grand pas et qu'elle devait rester disponible à tout moment, cette visite n'a pas eu lieu...

Le combat continue


Même si la grâce de sa sœur et son amie est qualifiée d'"avancée essentielle", la justice dominicaine n'a pas acquitté les deux Françaises, qui sont toujours accusées de trafic de drogue, même sans application de peine. Ainsi Nabyla se prépare, selon certains membres du comité de soutien, à un nouveau combat : faire reconnaitre l'innocence totale de Sarah et Céline par la justice dominicaine, afin de définitivement tourner la page...

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