Certains d'entre eux n'ont pas d'endroit où dormir alors une adresse, inutile même d'y penser. Pourtant, comme n'importe quel immigré, les demandeurs d'asile sont obligés de fournir une adresse à l'administration afin d'en recevoir tous les courriers. C'est pour cela que le collectif d'associations SOS Refoulement* a imaginé une boîte postale pour ces étrangers. Reportage à l'heure de la distribution du courrier...
Melting-pot à Dijon
C'est indiscutable : la porte de la Confédération syndicale des familles rue Vaillant est l'une des portes magiques qui s'ouvre sur le monde. Car c'est ici que le collectif SOS Refoulement est hébergé pour trier puis distribuer le courrier des demandeurs d'asile vivant sur Dijon. A 16h, trois fois par semaine, la même scène se répète ainsi dans ce lieu : une petite file d'attente se crée, accompagnée d'émulation et d'un brouhaha incompréhensible... Quoi de plus normal puisqu'ici se mélangent des personnes venues du monde entier : Kosovars, Géorgiens, Congolais, Guinéens, Angolais, Chinois, Rwandais, Mongols, Arméniens, Érythréen, d'Ossétie... Tous ont fui leur pays et sont venus trouver une vie meilleure en France.
Mais pour eux, rien n'est moins sûr. Ils doivent attendre la réponse de l'Office français pour les réfugiés et apatrides (Ofpra) basé à Paris, qui acceptera ou non leur demande d'asile. Ce lundi 28 décembre 2009, peut-être une lettre de ce genre, d'une importance presque vitale, a été distribuée. En tout cas, son destinataire se sera tu... Ce qui est certain, c'est que bon nombre des personnes présentes ont reçu soit l'accusé de réception indiquant que l'Ofpra avait bien pris en compte leur demande, soit le récépissé délivré par la préfecture leur accordant un titre de séjour de trois mois (en attendant la réponse de l'Ofpra). Si ce dernier ne permet pas de travailler, il leur ouvre au moins des droits de santé et d'indemnités aux Assedics : "C'est dix euros par jour", indique l'un d'entre eux.
Profession : facteur du monde
Un par un, ils passent auprès d'André Thollet, membre du collectif de permanence au courrier ce jour-là. A l'aide d'un papier justifiant de leur identité, ce dernier recherche dans les corbeilles de courriers classés par ordre alphabétique les noms des uns et des autres. Tout est très long, certains s'impatientent d'ailleurs et soufflent pour le montrer. Mais la scène se déroule dans un calme relatif, où seuls quelques voix s'élèvent de temps à autre. Bref, il y a de la vie dans cette salle et son couloir en rez-de-chaussée qui ne doivent pas faire guère plus de quinze mètres carrés. Et même si l'inquiétude peut se lire sur leurs visages, tous sourient et rigolent à des blagues que seuls eux et leurs autres compatriotes comprennent. Car ici, la file d'attente est divisée par communauté selon une règle tacite : "Et d'ailleurs, certains nous demandent de faire des permanences différentes pour les pays de l'Est et les pays africains, explique André Thollet. Qu'est-ce que vous voulez : il y a du racisme partout".
Si ce sont des Hommes...
Quelques femmes comptent parmi la foule mais ce sont surtout des hommes qui la composent. Tous ont beau vivre dans des conditions difficiles, ils sont rasés de près et leurs chaussures sont cirées. Pas question pour eux d'abandonner leur dignité d'homme. Et pourtant, nombreux sont ceux qui vivent en foyer. Car quand les structures d'accueil longues durées sont saturées, il ne reste que les logements d'urgence du type Sadi Carnot à Dijon. "It's cold there"("Il fait froid là-bas"), lance l'un des Kosovars. Un autre, un Géorgien, acquiesce. Cela fait deux mois que le premier y dort alors que le foyer est supposé ne pas recevoir un individu plus de cinq jours d'affilée. Car s'il fait froid à l'intérieur, c'est bien pire dehors en ces périodes de grand froid, d'où une certaine tolérance...
De plus en plus de courrier
Si pendant longtemps l'activité du collectif de boîte postale pour demandeurs d'asile a été plus ou moins officieuse, elle est devenue tout à fait officielle il y a environ un an et demi : l'une des associations du collectif (qui existe depuis 1978), s'est en effet vue attribuer l'agrément par la préfecture pour la distribution du courrier. Qui dit agrément dit aussi responsabilité : "Des personnes qui affirment ne pas avoir reçu leur convocation à l'Ofpra ont porté plainte contre la préfecture. Du coup, cette dernière nous a demandé d'être très vigilants. Maintenant, à chaque lettre importante, on pointe la date à laquelle on l'a reçue", explique André Thollet. Des lettres, le collectif en reçoit actuellement pour 250 inscrits, toutes nationalités confondues. "Leur nombre a augmenté depuis un an", fait remarquer le facteur semi-amateur...
* Associations membres du collectif SOS Refoulement : ATMF (association des travailleurs marocains en France), ASTI (association solidarité des travailleurs immigrés), la Cimade, CSF (confédération syndicale des familles), FOL (fédération des oeuvres laïques, FSU, Libre pensée, LICRA, Ligue des droits de l'homme, Mouvement alternative non-violente, MRAP, Pastorale des Migrants, le syndicat des avocats de France, Solidarité femmes, Syndicat de la magistrature, ATD Quart Monde, UD CFDT, Union nationale des Etudiants de France.