Quand je suis arrivée, je n'avais presque plus de plumes sur le corps, mes pattes étaient à moitié cassées à cause de la "nourriture" qu'on nous donnait. Elle nous faisait grossir, grossir au point qu'on ne pouvait plus supporter notre poids, alors nos os se cassaient. Parfois, un homme en blouse blanche passait dans nos rangs et nous faisait des piqûres pour (d'après ce que j'ai appris plus tard) éviter des infections. J'avais en effet des plaies qui saignaient. Nous étions toutes tellement terrorisées et serrées les unes contre les autres qu'il nous arrivait de nous faire mal nous-mêmes en nous donnant des coups de becs. Plus tard, j'ai appris aussi que dans certains camps, les dirigeants avaient décidé de couper notre bec pour éviter qu'on se blesse. Ils sciaient le bec avec un outil chauffé à blanc! l'Horreur.
Le camp où j'étais a été fermé et en arrivant dans cette ferme, je n'étais que douleur et souffrance.
A force de soins que les personnes présentes m'ont prodigués avec beaucoup de gentillesse, j'ai commencé à apprécier des petites choses de la vie : picorer quelques graines de céréales directement au sol, sentir le soleil, le vent sur mon corps... On m'avait mis des attelles aux pattes et peu à peu, les fractures dont je souffrais ont été résorbées, je n'ai presque plus mal quand je marche. L'autre jour, une de mes collègues, une belle poule noire aux plumes épaisses, m'a montré un ver de terre et hop! avant que je réagisse, elle l'avait gobé. La fois suivante, j'ai fait pareil et ohlala c'était bon! Maintenant, on est presque toujours ensemble et je peux avouer - sans vouloir me flatter - que je suis devenue presqu'aussi belle qu'elle, sauf que moi je suis plutôt rousse. D'ailleurs je vous mets une photo :
Les gens qui habitent dans la ferme ont trois chats mais il n'y en a qu'un seul qui semble s'intéresser à moi. On l'appelle Minski, il est drôle car il a la tête d'un côté noir et de l'autre blanc, il a des taches couleur fauve sur le corps aussi. Au début, il semblait paralysé et me regardait avec des yeux qui pleuraient presque. Puis, peu à peu, comme je retrouvais ma forme, il a commencé à me provoquer : il courait vers moi comme s'il allait se jeter dessus, j'avais un peur même sachant que j'étais protégée. Mais il s'arrêtait juste avant et repartait dans l'autre sens. En fait, il voulait jouer et maintenant, on s'entend très bien. On se court après et avec mes ailes, j'arrive à voler au-dessus de lui!
Informations complémentaires de la rédaction "droits des animaux" :
Une équipe de chercheurs du Groupe de biophysique du Silsoe Research Institute, au Royaume-Uni, a montré que les poules avaient la notion du futur. Dans le cadre de leur expérience, les poules devaient donner un coup de bec sur un bouton de couleur vive pour recevoir de la nourriture. Quand une poule n’attendait que quelques secondes avant de donner le coup de bec, elle recevait une petite quantité de nourriture. Cependant, si elle attendait 22 secondes, elle recevait une quantité de nourriture bien plus importante. Plus de 90 % des poules ont su attendre pour recevoir la plus grosse récompense.
L'auteur de "Le cochon qui chantait à la lune" (edité par l'association One voice), J-M Masson raconte aussi comment se comportent les poules lorsqu’elles ne craignent pas l’humain, rapportant notamment le cas de certaines aimant beaucoup se faire câliner… Il relate aussi l’histoire de l’une d’entre elles, particulièrement taquine, qui s'amuse à faire sursauter un chat. Les poules acquièrent, grâce à ses observations, une identité qui leur est propre. Bien loin de l'imagerie populaire ("cervelle d'oiseau" pour parler d'un type plutôt bête), ces volatiles s'avèrent être des oiseaux sensibles capables de choses surprenantes dès lors qu’on leur permet d’exister et qu'on établit un lien de confiance.
Dans une étude publiée dans la Revue "Animal Behavior" (le comportement animal), des chercheuses du laboratoire d'éthologie de Rennes montrent qu'être ou non élevé par une mère influence le comportement social et la latéralité des poussins. Extrait :
"Tout le monde préfère utiliser une main plutôt que l’autre. Cela s’appelle être latéralisé, et la plupart des animaux le sont. Les humains ont aussi la particularité d’être en majorité droitiers. D’autres espèces animales sont aussi majoritairement latéralisées du même côté et les scientifiques se demandent pourquoi. Certains pensent que cela pourrait faciliter les interactions sociales et que les interactions entre des individus latéralisés ont pu favoriser un alignement au cours de l’évolution. Se serrer la main est en effet plus facile quand les deux personnes tendent la main droite. Est-ce que cela permettrait également une meilleure coordination entre les individus ? La façon dont les individus interagissent avec les autres individus de leur espèce prédirait-elle en retour une latéralité plus ou moins forte et plus ou moins homogène dans une population ? C’est ce que les chercheuses ont essayé de savoir en comparant le comportement de poussins ayant été élevés par une mère ou non.
Chez la poule, la mère joue un rôle très important dans le développement comportemental des petits. Elle influence notamment le comportement social et émotionnel des poussins. Mais qu’en est-il de leur latéralité ? Si comportement social et latéralité sont liés, il serait logique que la mère influence aussi la latéralité de ses petits. La comparaison entre des poussins maternés et des poussins non maternés montre en effet que les poussins non maternés sont à la fois plus sociaux, plus fortement latéralisés et de façon plus homogène que des poussins maternés. Cela pourrait s’expliquer par une forme de compétition pour accéder à la mère quand elle est présente, par une influence de cette dernière, et au contraire par une influence des poussins les uns sur les autres lorsqu’ils n’ont pas de mère (cela s’appelle une transmission horizontale c’est-à-dire de poussin à poussin). Cela suggère aussi que comportement social et latéralité sont bel et bien liés.
Cette étude démontre une influence de la mère sur le développement de la latéralité de ses petits. Cette influence pourrait jouer un rôle important dans la survie des petits car la latéralité a des conséquences sur leurs comportements alimentaire et anti-prédateur, et il se pourrait bien qu’elle ait aussi des conséquences sur leurs comportements sociaux."