Imaginons. Juin 2014 : le gouvernement socialiste annonce le retrait des établissements scolaires de tous les manuels de Sciences de la Vie et de la Terre (SVT). Ils sont remplacés à la rentrée suivante par des livres ne mentionnant plus l'évolution. Septembre 2016 : le pape s'offusque publiquement des manuels de SVT en France qui parleraient trop d'évolution, déformant les pensées des enfants. La ministre de l'Éducation nationale lui répond qu'il est mal conseillé et que l'évolution n'apparait pas dans les manuels français.
Impossible ?
Ce qui semblerait inimaginable pour les sciences naturelles s'est pourtant produit pour les sciences sociales : le gouvernement socialiste a bien fait retirer les ABCD de l'égalité, ces outils de prévention du sexisme et de l'homophobie fondés sur les études scientifiques sur le genre, en juin 2014 ; et cette semaine, la ministre de l’Éducation nationale a bel et bien donné des garanties au pape que le genre n'était pas mentionné dans nos manuels scolaires.
Le genre, que la ministre et son gouvernement ont refusé de défendre face aux attaques de lobbys religieux réactionnaires, est un concept validé des sciences sociales. Les études sur le genre mettent à jour les processus inégalitaires qui sont à l’œuvre derrière la définition des sexes. Les résultats de ces recherches scientifiques sont donc indispensables pour lutter contre le sexisme, l'homophobie ou la transphobie.
En retirant les ABCD, en censurant le mot « genre » des documents institutionnels et des intitulés de formation, le gouvernement s'est rendu responsable d'une triple défaite : défaite de la laïcité, puisqu'il a laissé un lobby religieux réactionnaire dicter les contenus d'enseignement et les outils pédagogiques utilisés au sein de l'Éducation nationale ; défaite de la science et victoire de l'obscurantisme, puisqu'il a discrédité un concept scientifique ; défaite des droits des femmes et des personnes lesbiennes, gaies, bi et trans, puisqu'il prive l'école et la société d'outils nouveaux, destinés à combattre les préjugés et les violences contre les femmes et les minorités sexuelles.
Le Cercle des enseignant-es laïques, composé d'Anaïs Florès, Paul Guillibert, Caroline Izambert, Florine Leplâtre, Jérôme Martin, est co-auteur avec Jean Baubérot du Petit manuel pour une laïcité apaisée, La Découverte, 2016.