Le décret du 16 mars 2020, abrogé le 23 mars, portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 (1) a entrainé dans les quelques jours qui suivirent une série de mesures visant à préciser et durcir le confinement. Ainsi toutes les préfectures de France emboitèrent le pas en publiant des décrets visant à interdire les activités de pêche et de chasse, considérant que celles-ci n’entraient pas dans l’exception n°5 : « Déplacements brefs, dans la limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile, liés soit à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d'autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie. »
Dans le Tarn et Garonne, département où la densité de population n’est que de 69 hab/km², le préfet Pierre Besnard arrêtait même que « les voies pédestres et cyclables des berges de canaux et cours d’eau » ainsi que « les sentiers de randonnée balisés » « sont interdits au public »(2) !
Le 18 mars la Fédération nationale de la Pêche prenait acte de l’interdiction(3). La pêche venait d’ouvrir le 14 mars. Suivie par la Fédération nationale de la Chasse, qui dans un premier temps avait obtenu une exception de confinement pour « certaines chasses individuelles », puis de se voir démentie par l’extension à toutes pratiques de chasse et de piégeage(4) . Rappelons que la saison de chasse avait été exceptionnellement étendue jusqu’au 31 mars. Ce fût donc une anticipation de la fermeture de deux semaines.
La problématique n’est pas tant dans le nombre de jours suspendus. Mais interdire la chasse et la pêche et autoriser de faire les courses dans les supermarchés : Qu'elle est la logique de tout cela? Elle est sans nul doute un réflexe de fuite du sauvage et repli dans le domestique (référence à l'hypothèse que le covid 19 aurait été véhiculé par le pangolin sur les marchés chinois). C'est assurément le résultat d'une pensée capitaliste ultra-urbaine qui n'envisage plus un seul instant que l'on puisse chasser, pêcher et aller en forêt pour nourrir sa famille sans aucun risque de contamination dans un sens comme dans l'autre. Pour nos gouvernements les chasseurs-cueilleurs n'existent donc plus. Affaiblis, oblitérés par les politiques colonialistes, à l’instar des Pygmées Baka qui en sont réduits à mendier au bord des pistes... (5) Et s'ils existent dans notre époque moderne ils sont donc dans l'obligation de prendre tous les risques pour se nourrir et de faire comme les autres : S'entasser dans des espaces clos pour amplifier l'épidémie! Doit-on obéir à de telles contradictions?
Mais plus précisément, et c'est là que le bât blesse encore un peu plus : Qu'en est-il des grands propriétaires terriens ? des plus riches qui derrière leurs murs peuvent allègrement continuer à chasser et pêcher sans que personne ne puisse les contrôler. Ceux qui n'ont aucune nécessité à chasser ou pêcher pour survivre peuvent continuer à le faire en toute discrétion. Doit-on encore subir les injustices d'un gouvernement qui se dévoile à chaque instant comme le pantin des plus riches ?
Les "protecteurs de la nature" crient leurs joies car ils pourront très vite partager quelque chose avec leurs ennemis jurés, la même passion ou plutôt le même virus…N'était-il pas l'occasion pour les familles vivant en montagne, en forêt ou à la campagne d'apprendre à leurs enfants comment se nourrir des plantes sauvages, faire du feu, construire des cabanes, réaliser des noeuds… ? Nous sommes possiblement au début d’un effondrement de civilisation, il serait opportun de réapprendre un usage du monde modeste et intelligent. Reconstituer les gestes ancestraux et renouer avec une pensée sauvage qui pourrait sauver notre humanité. Reprendre contact avec une nature que la plupart des ruraux oublient eux aussi préférant "sortir" le week-end pour se jeter tous ensemble dans les centres commerciaux. Imposer l'école à la maison est encore une pensée urbaine d'un pouvoir incapable d'appliquer des décrets en fonction du "biotope" habité. Et qu’avez-vous à raconter à votre tribu en revenant des courses? Impossible de bouger, le furtif était là, à quelques pas, transparent dans le gris de la nuit, aux aguets, écoutes dressées et les doigts engourdis, magie ! je l’ai laissé passé...
Pourquoi la chasse avait été prolongée jusqu'au 31 Mars (6)? afin d'endiguer la surpopulation de sangliers. Le petit problème qui peut en devenir un beaucoup plus grave et dont personne ne parle aujourd'hui est la peste porcine africaine qui est présente depuis plusieurs mois à nos frontières et qui risque de se développer tranquillement avec l'interdiction de la chasse… Cette maladie virale très contagieuse chez les suidés domestiques et sauvages est classée danger sanitaire de 1ère catégorie en France(7). Elle entraîne des pertes économiques majeures dans les élevages de porcs en raison de son taux de mortalité de 80 à 100 %. Imaginez que si un jour, le virus se transmettait à l’homme, l'épidémie d'aujourd'hui passerait pour une tranquille répétition...
Notre politique agricole pousse nos agriculteurs depuis longtemps à cultiver en fonction des primes et non en fonction du climat ou de la nécessité du moment. Les champs de maïs avides de nourriture et d'eau ont envahis nos campagnes pour le grand plaisir des sangliers et du gibier en général. Cette année la météo a entrainé des pertes considérables sur les maïs qui sont restés pétrifiés trop longtemps dans les champs permettant aux sangliers de s'alimenter et de se reproduire en conséquence. Les chasseurs de la société de chasse du territoire où je vis ont tué une centaine de sangliers, c'est à dire le double de l'année dernière, ils sont exténués de cet abattage... Le nombre de déclarations des agriculteurs pour dégâts sur culture se sont multipliées et les fédérations de chasse ne peuvent plus payer. C’est environ 700 000 sangliers qui sont tués chaque année sur le territoire français. Ainsi malgré la situation, le gouvernement décide d'interdire la chasse jusqu'à nouvel ordre prenant le risque de déclencher une nouvelle épidémie?
Je pense alors au "non-faire" des chamans mexicains. Se donner un exercice le plus improbable ou contradictoire afin de mieux se connaître et de libérer un flux originel. Nous avons donc peut-être un gouvernement qui du haut de sa grande sagesse prend des décisions volontairement improbables afin de développer une nouvelle énergie?
Erik Samakh
(2) Décret préfecture Tarn et Garonne
(3) Fédération Nationale de la pêche – covid 19
(4) Fédération Nationale de la chasse – covid 19
(5) Les pygmées, victimes d’exactions au nom de la protection de la nature
(7) https://www.anses.fr/fr/content/la-peste-porcine-africaine