A la veille de la remise du «livre vert» des états généraux de la presse, jeudi 8 janvier, à Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, plusieurs «pôles» laissent filtrer les propositions qui devraient y figurer.
Le pôle presse et société a ainsi émis 38 propositions parmi lesquelles figurerait le fait de réserver le taux de TVA de 2,1% (aujourd'hui appliqué à la presse quotidienne) à la presse d'information politique et générale, sous réserve de l'adoption obligatoire d'une charte rédactionnelle dans chaque titre. Les autres journaux et magazines se verraient appliquer un taux de 5,5% (mesure évaluée à environ 100 millions par an). La charte en question serait corédigée par la rédaction et la direction des journaux. Le directeur de la publication, propriétaire, conserverait la décision finale sur les points de litige avec sa rédaction.
Selon les propositions du pôle, le directeur de la publication ne pourrait pas diriger la rédaction dans des entreprises comptant plus de 10 journalistes, et ces derniers ne pourraient plus obtenir de droit de veto sur la désignation du directeur de la rédaction. « Sans ce droit de veto, les psychodrames au Monde et à Libération n'auraient pas eu lieu», précise Le Figaro qui révèle ces pistes. (NB: au Monde, la société des rédacteurs, principal actionnaire, détient un droit de veto sur le nom du président du directoire seulement.)
L'ours des journaux renverrait, sur le Web, à ce contrat avec le lecteur propre à chaque titre et préciserait la structure du capital de l'entreprise éditrice. Une charte déontologique plus générale et signée par chaque journaliste au moment de la demande d'attribution de la carte de presse serait annexée à la convention collective et prendrait ainsi une valeur légale (proposition également avancée par le pôle métiers du journalisme).
Le groupe processus industriel proposerait, selon Le Figaro, d'élargir la loi Sapin (transparence des prix et des tarifs publics des espaces publicitaires) à la publicité hors médias (marketing direct, communication événementielle, relations publiques…), qui représente environ deux tiers des budgets publicitaires des annonceurs. Il demande aussi à l'Etat de diriger ses campagnes publicitaires (information sur la santé publique, l'emploi…) prioritairement vers la presse écrite, soit une aide indirecte chiffrée par Le Figaro à 40 millions d'euros par an. Selon Le Monde.fr, une négociation entre les éditeurs et le syndicat de Livre sous l'égide de l'Etat serait organisée pour faire baisser les coûts d'impression «de 30 % à 40 % plus chers qu'à l'étranger».
Le pôle métiers du journalisme devrait avancer 14 propositions, parmi lesquelles figure la question des droits d'auteurs. Selon un document consulté par l'AFP, l'éditeur n'aurait pas besoin de l'accord du journaliste pour exploiter ses écrits sur tous les supports de diffusion de la publication pour laquelle il travaille, mais le journaliste percevrait une rémunération complémentaire négociée collectivement.
Le groupe devrait proposer de maintenir la clause de cession qui permet aux journalistes d'être licenciés avec indemnités en cas de changement de propriétaire, mais prévoit des aménagements pour éviter des «abus» et des «effets d'aubaine».
Le pôle Internet présentera comme mesure phare, parmi les 14 promises, la création d'un «statut d'éditeur de presse en ligne qui n'exclut aucune des formes numériques ni aucun des supports utilisés actuellement et à l'avenir», qui alignerait les droits et devoirs sur ceux de la presse papier (aides, droit de la presse...) «en tenant compte toutefois des réalités technologiques et des dynamiques de l'univers numérique, et notamment des contenus générés par les utilisateurs».
Il serait attribué selon trois critères: «exercice d'une mission d'information à titre professionnel à l'égard du public», «emploi régulier de journalistes professionnels» et «production et la mise à disposition du public de contenu original, composé d'informations ayant fait l'objet d'un traitement journalistique».
En contrepartie, les sites d'information obtiendrait les mêmes aides que la presse papier: alignement des taux de TVA (actuellement 19,6%), et les éditeurs de presse investissant sur le Web bénéficieraient de mesures fiscales comme le crédit d'impôt recherche, déductions fiscales pour les investisseurs, les mécènes et les donateurs privés, la création de société de financement industrielles sur le modèle des Sofica pour le cinéma qui permettent des défiscalisations importantes (40% et plus) des sommes investies.
Enfin, le groupe propose de «favoriser l'émergence de différents modèles d'affaires», notamment des modèles alternatifs au financement par la publicité seule. Dans un entretien àL'Express, Bruno Patino, qui dirigeait le pôle, explique ainsi: «On voit mal comment un site Internet payant de qualité peut arriver à financer 60 personnes à Bagdad. Quant à l'Internet gratuit, son rapport à la publicité lui interdit tout investissement : rappelons qu'un lecteur papier rapporte aujourd'hui 9 dollars, quand, devenu internaute, il ne pèse plus qu'un petit dollar.»
Le président de la République, Nicolas Sarkozy, annoncera après ses vœux à la presse, le 23 janvier, ce qu'il en retient.