Je n'entends pas écrire ici que les stagiaires de la presse connaissent des conditions d'exercice plus dures que dans d'autres secteurs. Mais mettons des mots sur les pratiques.
A la fin de l'année, j'aurais passé 6 mois en stage. 2 à Midi Libre, 2 à Mediapart, 2 aux Inrockuptibles (où je suis en ce moment). Les deux derniers organes gratifient les stagiaires au maximum de ce qui se fait, c'est à dire 30% du SMIC soit 397 €. Le premier cité offre la cantine aux stagiaires qui officient au siège. Ce qui est déjà pas mal.
Ce qu'il faut savoir, c'est que pour effectuer un stage, il faut obtenir une convention. Pour des stages de plus de deux semaines, seule l'université, ou un organisme de formation reconnu, type CNAM, délivre ces précieux sésames. Ni l'ANPE, ni le CCAS, ni quelque autre organisme n'est habilité à le faire.
Pour être stagiaire, il faut donc être étudiant. Pour ma part, le stage de cet été à Mediapart devait clore mon cycle d'étude puisque je venais d'obtenir un Master 2 (Bac+5, équivalent à feu DESS) en science politique option métiers du journalisme. Aucune formation de mon université n'acceptait que je refasse une formation. Pas même un DU (Diplôme Universitaire) dans la mesure où seul des DU de droit était proposés, et que je ne suis pas juriste. J'ai donc du contracter une inscription avec une autre université, dans une préparation au concours d'entrée en science politique et en école de journalisme. Le fait que je sois trop vieux pour entrer dans l'une comme dans l'autre de ces formations, et que je bénéficie d'un Bac+5 de science politique mention journalisme n'effrayant personne. J'ai du m'acquitter de 595€.
Autre conséquence du statut d'étudiant, je ne peux prétendre à aucune prestation complémentaire de type RMI/RSA. Quoi qu'il en soit, avant que je me réinscrive en faculté, le CCAS de ma ville m'avait prévenu que je ne pourrais pas à la fois bénéficier du RMI (environ 400€) et d'une gratification autres. Entre 400€ pour un stage et 400 en restant chez moi, la personne qui m'a reçu m'a clairement demandé : "vous êtes sur de vouloir travailler ?"
Contrairement à un ingénieur (qui a pourtant fait le même nombre d'année d'études, et dont le diplôme vaut autant que le mien à l'étranger), un stagiaire dans la presse n'est pas embauché à l'issu de son stage. C'est tant mieux pour son expérience et sa culture professionnelle, il peut voir de multiples choses avant de s'établir. Pour autant, soyons clair, il n'est pas possible de vivre avec les maigres émoluments perçus. Encore moins si on doit le faire sur Paris. De plus, les organes, en situation financière difficile pour la plupart ont perverti le système. Dans tel ou tel titre, il existe des tâches réservées aux stagiaires. Ce qui signifie qu'un poste de faible compétence existe, donc un besoin, mais qu'on préfère le laisser pourvoir aux stagiaires de façons récurrentes. Il s'agit le plus souvent de postes de veille, de réécriture de brèves ou autres. Dans le meilleur des cas de reportage. Les stagiaires ont rarement l'occasion de se frotter à l'enquête, à l'interview, au dossier, et jamais à l'analyse. On ne considère donc plus le stagiaire comme un travailleur qualifié en devenir, en apprentissage, mais comme de petites mains chargées des taches de faibles compétences. Quelle bonne surprise (sans flagornerie aucune) cet été à Mediapart quand on m'a proposé une mission inédite, et à responsabilité ; l'animation du Club.
Autre perversion, on s'aperçoit que les stagiaires sont considérés avec divers degrés de compétences et d'expériences. Aux stagiaires expérimentés, on propose des taches de plus de responsabilités, se constitue une rivalité sur cursus de stages. Aujourd'hui, après mon stage à Mediapart, je n'ai plus de soucis pour trouver un stage, alors qu'avant ça, j'envoyais des vingtaines de demandes qui se soldaient toutes par des refus. Hier, un titre que j'avais contacté pour un stage en juillet dernier m'a même recontacté pour me proposer un stage en juillet... 2009. Le sens de tout ça, c'est que les titres économisent un salaire et des charges en proposant à ces stagiaires expérimentés ce qui relevait jadis du CDD.
Après avoir été un stagiaire satisfaisant, on peut proposer des piges. Mais si l'on n'a fait que du "Desk" pendant son stage, comment faire connaître ses compétences de terrains ?
La conséquence n'est pas que financière pour le stagiaire. Après 3 mois de CDD (ou de pige), on peut prétendre à l'obtention de la carte d'identité professionnelle dite "carte de presse". Après 6 mois de stages, on ne peut pas. D'aucun diront que cette carte ne sert qu'à entrer gratuitement au musée (ce qui est déjà pas mal). Mais c'est faux, pour pouvoir rencontrer un officiel, et réaliser certains sujets, cette carte nous sera demander. Sans cette carte, on est donc freiner pour proposer des piges. Et puis, la symbolique est forte. J'ai 27 ans, largement révolus. J'aimerai bien pouvoir, quand on me le demande répondre que ma profession est journaliste. Mais non, ma profession, c'est stagiaire. Et jusqu'à présent, c'est une profession qui me coûte plus d'argent que ce qu'elle m'en rapporte.