
Elément clé de la scène marseillaise, Lo cor de La Plana renoue avec la tradition vocale occitane. Les cinq voix qui composent ce choeur mixent diverses influences tout en occupant régulièrement la place publique. Attendu le 14 février à Paris, cet ensemble avait naturellement sa place au sein du festival Au fil des voix.
Lo cor de La Plana, autrement dit le choeur de La Plaine, fait référence à ce quartier populaire situé sur les hauteurs de la Canebière à Marseille. Formé par Manu Théron, ce groupe vocal renoue avec les racines occitanes de la cité. Composé de Rodin Kaufmann, Sébastien Spessa, Benjamin Novarino-Giana, Denis Sampieri et de Manuel Barthélémy, dans sa formule originelle, cette formation insuffle, depuis une dizaine d’années, un vent frais au sein d’une tradition provençale longtemps confinée. Chants sacrés ou répertoire politique, l’esprit s’est rapidement incarné sur le terrain, avec cette volonté de témoigner, transmettre et confronter le patrimoine à la réalité du jour. Une référence directe aux chansonniers phocéens lorsqu’ils brûlaient les planches de l’illustre Alcazar ; mais également aux trobaires, ces écrivains locaux et militants de la fin du XIXe siècle. Un patrimoine sublimé à coup de polyphonies puissantes ou intimistes. Et ponctué de percussions provençales ou orientales comme le bendir ou le tambour sur cadre. A l’image du mistral lustrant l’astre solaire, Lo cor de La Plana rappelle surtout que le métissage n’est pas une galéjade. Il est le fondement même de la cité.
Paru il y a un an, Marcha !, leur troisième album, est un condensé du savoir faire maison. A commencer par le doublet Canalha-Masurka mafiosa Marselhesa. Une puissance de feu évidente. Les voix pulsent, nourries d’une insolence désarmante. La fête est le déclencheur de paroles souvent véhémentes : « Si être pauvre fait de vous une canaille / alors messieurs il en manque pas / on est des canailles / ou en en est pas. » Autre titre fort, Aimi pas lei capelans ( j’aime pas les curés), fait transpirer le clergé. La formulation est pour le moins efficace : « Parlez moi d’une bouillabaisse / où seul un poisson / récolterait tout le gras / alors que ce n’est pas le roi ». Invité pour ce titre, Ange B, de Bouducon Production et des Fabulous Trobadors, fait la human beatbox. Un featuring qui évoque les travaux pionniers de ses formations respectives. « Les traditions s’inventent sans arrêt », lançait, il y a vingt ans, le jeune rappeur méridional. L’énergie dégagée par le groupe polyphonique marseillais, atteste ici du slogan.
Outre Lo cor de La Plana, différentes formations renouent librement avec la tradition occitane. A commencer par le Massilia Sound System qui fusionne reggae et patois provençal. Pilier de cette formation, Moussu T effectue aujourd’hui une belle carrière avec son groupe Lei Jovent. Prônant une attitude plus laidback que par le passé, ce personnage revisite désormais la scène marseillaise des années trente. La tradition du music hall rencontrait le blues et le jazz, alors émergents. Un titre comme Mademoiselle Marseille dégage une légèreté insoupçonnée. Artemis son prochain album sortira en avril sur l’illustre label Le Chant du Monde. Autre figure marseillaise, Sam Karpienia reforme Dupain. Avec quatre albums à la croisée du folklore local et de l’electro, cette formation télescope Occitanie, amour courtois et discours sociaux. Les récentes participations de l’incandescent chanteur, au projet littéraire Forabandit et au dernier album de DJ Oil, témoignent d’une créativité indéniable. Signé au sein de la coopérative marseillaise Full Rhizome, le cinquième album de Dupain devrait paraitre dans le courant de cette année. A suivre…
Marcha ! Buda Musique / Universal
Lo cor de La Plana, jeudi 14 février sur la scène parisienne de l’Alhambra à l’occasion du festival Au fil des voix.
Vincent Caffiaux