L’on aurait pu intituler cette session 2013 du Forum Mondial de la démocratie (FMD) « Internet et politique » en vertu de quoi sa portée aurait pu sembler limitée. Pourtant, l’importance prise par les cyber-communications et notamment les médias sociaux demandait qu’un état critique des lieux soit faite et que l’on s’interroge sur les chances de la technologie numérique pour la démocratie et, partant, sur ses limites, voire les dangers qu’elle induit. La visée officielle de ce forum n’est-elle pas de (mieux ?) «connecter les institutions et les citoyens à l’ère numérique » afin de « retisser la démocratie » ?
Madame Hélène CONWAY-MOURRET, Ministre déléguée auprès du Ministre des Affaires étrangères de la France, constatant que « le débat public et les échanges d’idées ont investi internet », avait prévenu, dès l’ouverture du Forum, que l’enjeu consiste à trouver un équilibre entre pouvoirs et contre-pouvoirs. L’offre numérique permet de connecter les institutions et les citoyens. Mais le respect de la vie privée et la protection des données doivent être garantis.
Abdou DIOUE, Secrétaire Général de la Francophonie, estime qu’il faut sauver la démocratie et si internet peut la renforcer, elle peut aussi l’affaiblir. Elle n’est donc qu’un outil parmi d’autres. Il convient de ne pas perdre le sens du long terme, et du durable. La démocratie doit être fondée sur l’interaction – « un citoyen n’est pas un consommateur !» - mais aussi sur le respect des diversités culturelles et linguistiques. Sur le plan de l’humanité nos destins sont irrémédiablement liés.
Amin MAALOUF, écrivain, membre de l’Académie Française, constate qu’il y a un fossé entre les procédures électorales et la prise réelle des décisions. Lorsque les internautes disent « non », le pouvoir peut être tenté de dire : « vous n’avez pas donné la bonne réponse ! ». Les révoltes récentes de plusieurs pays méditerranéens ont montré le rôle majeur des jeunes ; internet les a servis, mais pour révéler ensuite l’impuissance de la seule technologie. Malouf souligne lui aussi l’importance de bien gérer la diversité, avertit que les pouvoirs en sont souvent bien incapables, ignorants les droits des minorités : « une diversité bien gérée est une grande richesse ».
Irina YASHINA, journaliste et « activiste de la société civile » témoigne de l’histoire récente de la Russie. L’opposition critique des citoyens russes a mis en cause les abus du pouvoir et la corruption. Elle a pu se construire avec les jeunes, encore fallait-il leur permettre de se familiariser avec l’usage d’internet. Des milliers de personnes se sont alors mobilisés. « Il y a maintenant deux Russie, la Russie de l’internet et la Russie qui dépense son argent pour soi ». »
Le débat rappela que « l’internet est sans frontières ni limites, c’est comme un autre monde », et informa de quelques expériences dignes d’intérêt – en Islande, en Islande par exemple, où « les politiques ont moins d’influence aujourd’hui ». Et de rappeler qu’internet ne résout pas les problèmes de la démocratie, mais qu’elle est un moyen pour mieux avancer sur son terrain et –peut-être ?! – éviter les dictatures et les empêcher de durer. Heureux présage.
E.W.
Strasbourg, le 28 novembre 2013