Billet de blog 11 août 2022

mathijscazemier (avatar)

mathijscazemier

Etudiant en Sciences Politiques à l'université d'Amsterdam (Pays-Bas)

Abonné·e de Mediapart

Nous les jeunes, et notre rapport à la guerre d'Algérie

[REDIFFUSION] En s'appuyant sur les récits des générations passées, la jeunesse peut jouer un rôle crucial dans la construction d’une mémoire collective apaisée.

mathijscazemier (avatar)

mathijscazemier

Etudiant en Sciences Politiques à l'université d'Amsterdam (Pays-Bas)

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans un blog Mediapart intitulé "Algérie, l'onde de choc", publié le 9 Août, une abonnée revient sur le récit de son oncle envoyé combattre en Algérie. Pour beaucoup, le conflit s'inscrit dans notre histoire contemporaine - les multiples témoignages d'anciens soldats, ou de parents ayant vécu les événements en sont l'indéniable preuve. Malheureusement, la nouvelle génération (dont je fais partie, étant né après l'an 2000), ne perçoit le conflit que d'un oeil extérieur, et manque de recul sur les événements. En effet, bien que les mémoires de la guerre d'Algérie s'extirpent peu à peu du tabou national, il est facile pour cette génération de sous-estimer la complexité du conflit.

Lors d'une discussion avec mes grands-parents, qui ont parfois baigné dans la culture des Pieds-Noirs de part leurs cercles familiaux et amicaux, on m'avait reproché une vision trop manichéenne de la guerre d'Algérie. Cette vision, qui consiste à trop souvent ramener le conflit à une simple opposition entre le bien (l'Algérie libre) et le mal (le colonisateur Français), je la partage avec bon nombre de jeunes qui s'intéressent à la question. Pourtant, la guerre d'Algérie ne peut être réduite à un simple bras de fer entre deux forces politiques sans noms, et sans visages. Il est important de reconnaître que la guerre, ce sont des Hommes qui la font, mais aussi qui la subissent. Après huit années de conflit, le traumatisme de la guerre d'Algérie est généralisé, et touche de multiples communautés de part et d'autre de la Méditerranée (comme en témoignent les multiples récits d'anciens Harkis, de Pieds-Noirs, de militants du FLN, ou, dans le cas présent, de soldats Français). Se contenter d’une vision réductrice et impersonnelle du conflit, c’est mettre un voile sur la souffrance physique et psychologique qu’ont subi ces communautés.

Bien qu'un traumatisme puisse transcender les générations, et malgré que 39% des jeunes Français aient un lien familial avec le conflit, la jeunesse est souvent critiquée pour son indifférence vis-à-vis de la guerre d'Algérie. La jeunesse, n'ayant pas vécu le conflit, à tout de même hérité de conflits identitaires, de divers clivages politiques, et s’interroge sur les rapports de la France à son histoire coloniale. En effet, Paul-Max Morin, dans son livre "Les Jeunes et la Guerre d'Algérie", soutient la thèse que les jeunes pavent la voie de la normalisation et de la réconciliation, et jouent un rôle crucial dans la construction d’une mémoire collective nouvelle et apaisée. C'est pourquoi les récits personnels sont une source d'information précieuse, et permettent de faire le lien entre les générations. Ils permettent également une analyse plus nuancée du conflit, et s'inscrivent dans le développement d'une mémoire plurielle, intemporelle et intrinsèquement humaine.

Illustration 1
Photo d'archive AFP © AFP

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.