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Billet de blog 9 juin 2016

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La police au siège de BNP Paribas à Madrid

En 2015, le juge José de la Mata a repris en mains l'enquête diligentée en Espagne sur le présumé délit de blanchiment de capitaux de la filiale genevoise de la HSBC. Cette semaine, la Guardia Civil s'est invitée aux sièges de Santander et de BNP Paribas.

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Illustration 1
Hervé Falciani était tête de liste du Parti X aux dernières européennes © EFE

Aujourd'hui délinquant en Suisse, Hervé Falciani a pourtant, grâce aux données qu'il a volées à HSBC entre 2006 et 2008, permis le départ de plusieurs enquêtes en Espagne, notamment contre la fraude fiscale. En effet, outre son activité politique, dès son arrivée à Barcelone, en 2012, il a accepté de collaborer avec le fisc et les services anti-corruption de l'État espagnol, et pour l'instant, plus de 10 millions d'euros ont été récupérés à travers diverses opérations de justice ou de régularisation fiscale à l'initiative même de certains des contribuables concernés (306 au total se sont acquittés de leur dette). Parmi les noms figurant dans la liste remise par le franco-italien à la justice espagnole, il y a maintenant quatre ans (on parlait de liste Lagarde à l'époque), figurent notamment des personnalités comme Fernando Alonso, pilote de Formule 1, ou encore des membres de la famille d'Emilio Botín, marquis de O'Shea (aujourd'hui décédé) et ancien Président de Santander, c'est-à-dire la tête de file du secteur bancaire espagnol (comme son père et son oncle avant lui, et sa fille plus récemment).

Illustration 2
Siège de Santander à Boadilla del Monte, Madrid © Reuteurs

C'est justement dans le cadre de l'enquête 63/2013, que le juge De la Mata a permis aux agents de l'Unité Centrale Opérative de la Police Nationale espagnole d'aller collecter des données au sein du siège principal de Santander, situé à Madrid. Cette enquête vise à établir la part active de la filiale suisse de la HSBC, -la HSBC Private Bank Suisse-, dans l'évasion fiscale et le blanchiment de capitaux mis à jour par les documents de Falciani. Ainsi, les agents de la Guardia Civil ont extrait des données liées à des comptes courant hébergés par Santander qui pourraient avoir servi à récupérer l'argent blanchi à Genève. Les policiers sont restés sept heures.

Le même jour, au matin, le juge De la Mata a également transmis environ quarante dossiers à des juges basés dans chaque communauté autonome du pays, à l'exception de la Galice, de la Rioja, de l'Estrémadure et des Asturies. Chaque dossier concerne une affaire de fraude. Pour l'instant, a souhaité rappeler José De la Mata, il s'agit pour lui d'éclaircir la responsabilité des succursales espagnoles de la HSBC dans cette affaire, comprendre si l'entité a illégalement exercé une activité régulée en Espagne. D'autres enquêtes, à l'échelle régionale, devront donc être menées pour éclaircir la situation d'une quarantaine de foyers fiscaux, soupçonnés d'une tentative de fraude fiscale relative à la déclaration d'imposition de 2008.

Illustration 3
José De la Mata dirigeait la commission de Modernisation de la Justice sous Zapatero © EFE

Par ailleurs, étant donnée la souplesse juridique encadrant le secret bancaire en Espagne, le juge De la Mata a également envoyé la Guardia Civil au siège madrilène de BNP Paribas, ce mardi. Là encore, les agents ont procédé à l'extraction de données concernant des comptes courant. Cependant, cette fois-ci, des sources proches du juge ont expliqué que la banque française, qui se targue sur son site d'être la plus grande entité bancaire étrangère présente sur le sol ibérique, pourrait bien avoir une part de responsabilité dans le manque d'encadrement de ces comptes, suggérant par la même occasion la responsabilité dans la même affaire de la banque Santander, dirigée par Ana Patricia Botín, fille du défunt Émilio Botín et de la marquise de O'Shea, et membre, par ailleurs, du CA de Coca-Cola. En effet, depuis 2010, la législation espagnole prévoit de pénaliser les banques n'ayant pas communiqué les activités frauduleuses de leurs clients aux autorités compétentes.

Selon cette loi (Loi 10/2010), votée et entrée en vigueur sous la gouvernance de José Luis Rodriguez Zapatero sous l'impulsion du GAFI (Groupe d'Action Financière Internationale), toute tentative de mouvement liée au financement d'une organisation terroriste, d'un groupe criminel, ou au blanchiment de capitaux en général, doit être signalée, à l'initiative de l'entité bancaire, au Service Exécutif de la Commission de Prévention du Banchiment de Capitaux et des Infractions Monétaires (SEPBLAC). Quoiqu'il en soit, le juge De la Mata est entrain de réunir plusieurs pièces du puzzle et semble dorénavant posséder quelques indices concernant l'opacité des prestations offertes par la filiale suisse de la HSBC.

Prévoyant le départ de 50 000 employés pour 2017, HSBC a récemment connu une baisse importante de ses bénéfices (environ 14% sur 2015). Affichant tout de même un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros pour le premier trimestre de 2016 (environ dix fois le PIB espagnol), la HSBC est la seule des cinq entités bancaires de ce type d'envergure qui ne soit pas chinoise. Selon la liste Falciani, il y aurait eu 2 694 comptes entre 2006 et 2008 ouverts au sein de sa filiale genévoise concernant des évadés fiscaux espagnols. Cela concernerait seulement 659 personnes au total. Pourtant, la somme dissimulée au fisc s'élèverait à plus de six milliards d'euros. Hervé Falciani, à l'occasion, hier, d'une réunion avec la vice-Présidente de la communauté valencienne, Mónica Altra, a déclaré dans un entretien accordé à la presse, que la prochaine étape dans le combat à mener contre l'évasion fiscale devait concerner de grands groupes comme Amazon, Google, Facebook et Apple.

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