Vu du Parti Populaire de Valladolid, il n’y avait pas 36 formules pour reconduire M. Alfonso Fernández Mañueco à la tête de l’exécutif régional de Castille-et-León. Les conservateurs ne pouvaient plus guère compter que sur la dynamique ascensionnelle de l’extrême droite. D'où la nécessité d'élections anticipées, validées de première main par le siège national dans une stratégie de restructuration progressive des exécutifs régionaux déjà conquis, afin avant toute autre chose de contenir et de contrôler la montée des nationalistes. Cet hypothétique rassemblement des droites est donc sans surprise devenu une réalité concrète au lendemain de la victoire du Parti Populaire aux élections anticipées du 13 février, comme le risque d'un schisme en raison des lignes de fracture qu'il suscitait déjà. L’annonce, 41 ans jour pour jour après « le coup d’État du 23 F » avorté, de la démission du secrétaire général du PP, M. Pablo Casado, a d'ailleurs permis aux conservateurs d'alimenter un écran de fumée et de dessiner les contours d’une direction acéphale qui rende cette nouvelle alliance possible sans qu’aucun·e responsable ne soit clairement identifiable puisque le congrès exceptionnel qui désignera son successeur ne se tiendra qu’en avril.

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Pour ce PP qui vient, ce sera tout sauf le PSOE et consorts, donc rien ne se fera sans Vox
Les résultats de ces premières élections régionales post-covid amènent un constat sans appel et qui oblige une lecture du futur. En stabilisant un tiers des votes en sa faveur alors que les sociaux-démocrates perdent pratiquement 120 000 voix, le Parti Populaire reprend certes le dessus sur le PSOE mais ne gagne que 3 sièges dans ce parlement qui en compte 81. Cela étant dit, l’essentiel pour les conservateurs n’était pas tant ce dépassement en suffrages que la supplantation de leurs anciens alliés par Vox puisque c’est désormais cette formation nationaliste qui redynamise l’imaginaire de droite, avec pour corollaire l’effondrement électoral des libéraux dans ce berceau de la ruralité et de l'Espagne traditionaliste. Tout cela éclaire la recomposition politique à venir.
La débâcle des libéraux, qui ont perdu près de 150 000 voix depuis 2019, garantit en effet au PP d’être de nouveau en mesure de revenir aux commandes de l’échelon national tout en rayonnant sur le socle néolibéral de fond si les tendances actuelles à l’identitarisme exalté se poursuivent ; avec 13 parlementaires acquis, Vox engrange d'ailleurs une hausse de plus de 130 000 voix à l’issue d’un vote qui concernait quasiment 2 millions de citoyen·nes en âge de voter. Devenue déjà la troisième force politique du pays après le scrutin législatif de 2019, Vox confirme ainsi au PP qu'elle sera bien la seule formation qui lui permettra de parvenir ou de se maintenir à la tête de futurs exécutifs, et ce autant dans les communautés autonomes qu'au parlement national.

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Cette montée en régime de l'alliance nouvelle des droites annonce un projet d'envergure nationale
Une entrave supplémentaire est donc tombée suite à la démission du premier secrétaire général du Parti Populaire. En ôtant malicieusement sa queue de pie après avoir largement promu, sans qu'aucune résistance structurelle ne lui soit opposée dans ses rangs, la formation de gouvernements régionaux soutenus par l’extrême droite en Andalousie, en Murcie puis à la tête de la communauté autonome madrilène, M. Pablo Casado laisse en effet la voie pratiquement libre à une restructuration réactionnaire des espaces de pouvoir. La droite espagnole met ainsi un terme à ce qui n’était qu’un prélude. L’Alianza Popular d’autrefois n’y est plus l’unique hégémon, mais son legs repose entre les mains du PP et de Vox.
Dans la foulée de l'arrivée de M. Alberto Núñez Feijóo à la tête du PP, les élections anticipées qui auront lieu en Andalousie en mai donneront donc le ton du prochain mouvement, jusqu’aux élections législatives prévues en 2023. Cependant, la stratégie au long terme des conservateurs pourraient à force se retourner contre eux, comme en témoigne cette photographie, vestige de la fusion alors en gestation des trois droites, lors des manifestations nationalistes contre les concessions accordées au mouvement indépendantiste catalan par l'exécutif de la coalition de gauche. De ce fugace « trio de Colomb » (en référence à la Plaza Colón de Madrid), il n'y a plus guère que le dirigeant d'extrême droite qui n'ait été politiquement décapité.