Comme secrétaire générale de Podemos, j'ai l'honneur de pouvoir dire que mon organisation politique s'est démenée pour construire le mouvement européen pour la paix qui aujourd'hui s'exprime à l'occasion de cette conférence mais qui s’exprime aussi dans des manifestes comme ¡Paz ya! Peace Now, que certaines d’entre nous ont signé. Camarades, qui êtes ici en présentiel ou qui êtes présent·es virtuellement, soyez toutes et tous bienvenu·es à cette Conférence pour la paix.
Aujourd’hui, 22 avril 2022, nous sommes ici réuni·es à Madrid dans le cadre d’une conférence européenne pour la paix qui fait suite à l’invasion de l’Ukraine dont Poutine est à l'origine. Une agression qui est illégitime et illégale, qui bafoue le droit international. Je veux donc adresser mes premiers mots de soutien, de solidarité et d’empathie aux enfants, aux femmes et aux hommes d’Ukraine qui payent actuellement de leur vie et par leur souffrance les conséquences d’une décision qui n’affectera jamais de la même façon les puissants qui l’ont prise. C’est là le point commun à toutes les guerres : ceux qui dirigent les ordonnent et ce sont toujours les peuples qui payent. Ceux d’en bas ont toujours tout à perdre et jamais rien à gagner au champ de bataille...
Nous sommes ici aujourd’hui à Madrid pour revendiquer la parole, notre voix. Nous avons trop souvent entendu au cours des deux derniers mois que la guerre ne prend fin qu’avec davantage de guerre. Les médias grand format, une part très importante du spectre politique de l’ensemble de nos pays respectifs, nous ont dit qu’il n’y avait qu’une seule façon d’agir face à la guerre d’Ukraine : par l’escalade belliqueuse, en envoyant des armes et en augmentant les dépenses militaires. Je crois que chaque démocrate est dans l’obligation de dire que cela n’est pas vrai. Il n’y aura que deux manières d’en finir avec cette guerre au cœur de l’Europe, comme l’ont dit les camarades de la société civile : soit une internationalisation du conflit entre puissances nucléaires, avec des conséquences absolument imprévisibles, soit un accord de paix par les voies diplomatiques. Nous sommes convaincu·es, camarades, qu’il faut tout miser sur la diplomatie.
Nous sommes de plus en plus nombreuses à penser que le chemin qui nous conduira vers la paix sera précisément celui-là et pas un autre : celui du dialogue et des négociations diplomatiques. Nous qui représentons ici nos organisations politiques ne sommes pas les seul·es à le dire. Comme nous l’avons vu aujourd’hui, c'est également le cas de nombreuses organisations sociales : le mouvement féministe, les organisations antiracistes et écologistes, les organisations pour la paix, des enseignant·es et des soignant·es du monde entier font entendre leur voix pour exiger la paix tout de suite. C’est également ce que demande le secrétaire général des Nations Unies. C’est également ce que demandent le Vatican et le pape François, lequel, dans son cas, ne parvient pas non plus à se faire entendre. Son attitude et sa tentative de médiation dans ce conflit devraient selon moi être bien mieux prises en compte...
Camarades, nous sommes bien plus nombreuses que ce qu’on voudrait nous faire croire ! C’est pourquoi nous sommes dans l’obligation de déployer tout notre pouvoir, –et notre pouvoir est important–, notre pouvoir gouvernemental, notre pouvoir institutionnel, mais aussi notre pouvoir social pour exiger une réelle implication de la communauté internationale et des Nations Unies, comme cela a été le cas dans d’autres conflits, comme au Salvador, comme en Colombie, pour qu’existent un réel suivi et une réelle supervision autour de cette table de négociation entre l’Ukraine et la Fédération de Russie. Sur ce point, la nomination d’un médiateur par le secrétaire général des Nations Unies est sans aucun doute une bonne nouvelle, mais nous avons besoin de fournir plus d'efforts encore, pour exiger un cessez-le-feu immédiat de Poutine et lui couper l’herbe sous le pied.
Plaider pour des négociations diplomatiques est la traduction contemporaine du « non à la guerre » dans nos vies. C’est notre manière d’exiger aujourd’hui la paix. Dire « non à la guerre » et « paix tout de suite » induit d’inciter tous les acteurs politiques à baisser le ton, induit de les inciter à ne pas utiliser de langage belliqueux, de les inciter à employer un langage de la paix. Dire « non à la guerre » et « paix tout de suite » signifie aussi qu’il faut soutenir la société civile russe qui s’oppose en ce moment à la guerre et qui demande plus de démocratie. Cela signifie aussi qu’il faut développer une politique d’asile qui soit digne et qui ne regarde pas la couleur de la peau des gens qui fuient pour décider s’ils ont ou n’ont pas de droits fondamentaux. C’est penser la reconstruction de l’Ukraine, une tâche pour laquelle nous ne pouvons la laisser seule ; c’est demander l’élimination de sa dette extérieure. Dire « non à la guerre » et « paix tout de suite » signifie qu’il nous faut construire des boucliers sociaux dans nos pays respectifs, qui protègent les populations, comme nous avons réussi à le faire ici en Espagne en gouvernant, en limitant la hausse des loyers et du prix du gaz, en baissant le tarif de l’électricité et des carburants ou en élargissant l’accès aux chèques énergie.
Cela étant dit, camarades, –et c’est là le message le plus important que je souhaite partager–, ayez bien en tête que sans une mobilisation citoyenne massive, il sera difficile d’obtenir de ceux qui le peuvent qu’ils arrêtent cette guerre au plus tôt. Voilà pourquoi je vous demanderai à toutes et à tous de bien travailler pour la paix. Défendez la paix en ces temps où il est si difficile de le faire, c’est-à-dire durant la guerre. Signez les manifestes. Prenez part aux manifestations. Occupez les réseaux sociaux. Placez des symboles aux balcons. Construisons ensemble un mouvement citoyen pour la paix, une alliance internationale pacifiste, car la paix n’est pas un résultat mais un chemin que parcourent les peuples, que nous parcourons toutes et tous chaque jour parce que c’est la condition même de la vie. La paix est une construction politique qui garantit que la loi du plus fort ne l’emporte pas et que règnent la démocratie et l’égalité ; c'est prendre la décision d’entretenir les liens que nous avons en prenant soin de nous, non en nous agressant. Nous devons travailler pour la paix comme s’il s’agissait d’une tâche militante, activiste, en croyant que c’est possible quand tous disent que cela n’en vaut pas la peine. Nous encourons un grand risque avec cette guerre, je le crois sincèrement. Nous devons nous risquer à répondre correctement à une question très importante : qui sommes-nous, qui voulons-nous être ?
L’Europe, vous l’avez constaté, s’est souvent vue comme une référence morale, comme le berceau des Droits Humains. Nous devons faire en sorte que l’Europe soit aujourd’hui à la hauteur de l’idée qu’elle se fait d’elle-même, qu’elle soit à la hauteur des défis que nous devons affronter comme société par les temps qui courent. Mettre en pratique par les faits ce que nous avons prétendu être tant de fois. Cela passe par construire la paix, exporter la démocratie, la diplomatie et abandonner les hypocrisies. En effet, face à cette guerre beaucoup de gens se demandent, –et je crois que c’est légitime–, si ce n’était pas hypocrite de soutenir Poutine malgré son autoritarisme, malgré sa persécution continuelle de la communauté LGBTI, malgré ses liens étroits et avérés avec l’extrême droite européenne comme avec Le Pen, Orbán ou Abascal. De même, n’était-ce pas hypocrite de se cacher derrière des promesses de soutien au peuple ukrainien alors qu’en réalité d’importants intérêts économiques bien moins avouables étaient défendus, comme le démontre le fait que les 18 plus grandes entreprises d’armement aient enregistré une revalorisation de 15% depuis qu’a commencé cette guerre, ou comme le démontre l’augmentation des budgets militaires des pays européens ou encore l’augmentation des exportations de gaz nord-américain vers toute l’Europe?
L’Europe a besoin d’autonomie stratégique, d’agir selon ses propres valeurs et ses intérêts propres. Elle a besoin de démontrer qu’il existe une autre façon de défendre la sécurité des peuples. La sécurité consiste dans ce cas à rechercher activement des solutions dialoguées aux conflits, à établir des relations basées sur la solidarité et à traiter des Droits Humains avec d'autres pays sur un pied d’égalité. Cela implique de travailler en toute honnêteté pour renforcer la démocratie partout dans le monde.
Garantir la sécurité consiste à faire en sorte que tout le monde puisse bénéficier de l’assistance médicale, que les enfants puissent recevoir une éducation indépendamment du solde bancaire de leurs parents. La sécurité c’est de savoir, lorsque les difficultés apparaissent, et nous savons ce que cela peut vouloir dire après deux années de pandémie, que le bien commun et les services publics seront du côté des gens. Même quand tu te retrouves au chômage, même quand ton ou ta conjoint·e tombe malade ou décède. Les européennes et les européens doivent savoir que les pouvoirs publics seront de leur côté. L’Europe a besoin de plus de soignant·es, de plus d’enseignant·es, de plus de diplomates et de plus de droits pour les salarié·es, non davantage d’armes et de chars d’assaut.
Je crois que quand nous nous retournerons pour regarder ce que nous aurons accompli dans quelques années, nous qui aurons défendu la paix et la diplomatie depuis le début, nous pourrons être content·es d’avoir pris la bonne décision dans les moments les plus difficiles, surtout en sachant que nos positions nous exposent de surcroît à être mis·es en doute et même à être criminalisé·es. Ceux qui aujourd’hui ridiculisent les possibilités d’un accord de paix grâce à la diplomatie devraient se demander avec honnêteté de quel côté de l’Histoire ils souhaitent être.
Enfin, je veux aussi dire une dernière chose, et je crois qu’une camarade l’a évoqué précédemment : nous sommes, femmes et enfants, celles et ceux qui souffrons le plus de la dureté des affrontements belliqueux alors que nous n’avons pratiquement jamais fait partie du problème et qu’on ne nous a la plupart du temps pas laissé l’occasion de faire partie de la solution, raison pour laquelle je souhaite tout particulièrement revendiquer le rôle des femmes dans la résolution des conflits armés, des femmes qui sont capables partout dans le monde de tendre la main et de faire un pas vers l’autre, vers la différente. Elles sont nombreuses au fil de l’histoire à avoir recherché la paix et des solutions dialoguées. Grâce à leur élan féministe, nous poursuivons aujourd’hui le chemin. Merci, camarades.