Si « la troisième guerre mondiale est sociale »1, il se pourrait que les mouvements sociaux espagnols soient déjà positionnés en première ligne. À travers un périple initiatique et initié dans la foulée du 15M, les caméras de Pere Joan Ventura, honoré du Goya du Meilleur Documentaire en 2003, pour El efecto Iguazú, ont archivé quelques épisodes symboliques, et déjà mythiques, de la contestation sociale face aux politiques à la fois conservatrices et ultra-libérales menées en Espagne entre 2013 et 2014.
Fallait-il encore que le montage fût à la hauteur des dynamiques sociales observées. Ce qu'ont peut-être permis des producteurs comme Pere Portabella, cinéaste et documentariste connu notamment pour ses films clandestins durant la dictature franquiste, et El Gran Wyoming, médecin et comédien, présentateur de El Intermedio (programme de La Sexta), qui lance depuis dix ans chacune de ses émissions par le slogan : « Vous connaissez déjà les informations, nous vous dirons maintenant la vérité ».
Au milieu de 200 heures de prises environ, Anastasi Rinos a travaillé huit mois durant au montage. Il a finalement sélectionné 77 minutes d'images et de sons que traversent, notamment, des collectifs citoyens issus des Marées (mouvements défendant les services publics, distingués selon diverses couleurs), des yayoflautas, ces sexagénaires qui prennent d'assaut les rues et les secteurs associatifs pour organiser la protestation contre les dérives de l'austérité, ou encore de la PAH (une association de victimes de délogement).
Parmi les nombreux protagonistes du film témoignent ainsi, l'historien et essayiste, Josep Fontana, l'activiste et actuelle mairesse de Barcelone, Ada Colau, tous deux membres du mouvement politique Barcelona en Comú, mais également Itziar González Virós, architecte et ancienne conseillère municipale ayant dénoncé la corruption dans le domaine de la construction à Barcelone, ou encore, Martín Sagrera, Docteur en philosophie célèbre pour ses pancartes dans les manifestations madrilènes.
Aux rythmes de différentes étapes d'une rébellion citoyenne, allant d'une indignation vers une autre, comme par exemple, devant la vulnérabilisation de secteurs publiques comme l'Enseignement ou la Santé, progressivement soumis à la concurrence de marché, jusqu'à l'anticipation d'un vivre ensemble, redéfinissable selon des impératifs démocratiques, ce voyage passe donc, entre autres, par Barcelone, Valence, Gijón, Séville et Madrid.
Une mosaïque sociale prétendant finalement que tout progrès ou « garantie de changement » social, réside simplement dans une prise de conscience de la force citoyenne. Après quoi, il ne resterait que quelques pas entre des réunions féministes de province, comme celles de Les Comadres, et une formation musicale issue du 15M, la Solfónica en l'ocurrence. Quelques pas, et un Train de la Liberté, qui peuvent réunir deux millions de personnes autour de la Plaza de Colón, pour défendre le droit à l'avortement, et tous les autres...
1 THIBAULT, Bernard, La troisième guerre mondiale est sociale, Paris, Les Éditions de l'Atelier, « Les Éditions Ouvrières », 216 p.