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Nous avons appris avec émotion le décès de Frankétienne à l'âge de 88 ans. Le monde de la littérature rendra hommage à celui qui fut de son vivant reconnu comme l'un des écrivains majeurs de la Caraïbe. Pour notre part, nous tenons à saluer la mémoire autant que la trace de l'écrivain de génie, du poète, de l'artiste et de l'homme de culture qui incarna à lui seul la puissance de la littérature haïtienne et se vit décerner en 2002 le Prix Carbet de la Caraïbe et et du Tout-Monde. Frankétienne fut de son vivant l'homme d'une parole et d'un art visionnaires, il sera à l'avenir lu et étudié comme porteur de l'identité d'Haïti et d'une certaine universalité de la conscience caribéenne.
Pour rendre hommage à ce fervent ami du Tout-Monde, nous mettons en ligne sur le site des Éditions de l'Institut du Tout-Monde, une version remaniée, revue et augmentée du dossier numérique « Présences de Frankétienne » qui nous avions diffusé il y a quelques années de cela.
« À force de vouloir dire, je ne suis devenu qu’une bouche hurlante. Je ne m’inquiète point de savoir ce que j’écris. Tout simplement j’écris. Parce qu’il le faut. Parce que j’étouffe. J’écris n’importe quoi. N’importe comment. On l’appellera comme on voudra : roman, essai, autobiographie, récit, exercice de mémoire, ou rien du tout. Moi, je ne sais même pas. Pourtant ce que j’écris ne m’est pas étranger. Personne ne parviendra à dire beaucoup plus qu’il n’aura vécu. J’étouffe. J’écris tout ce qui me passe par la tête. L’important pour moi, c’est l’exorcisme. La libération de quelque chose. De quelqu’un. Peut-être de moi-même. La délivrance. La catharsis. J’étouffe. Je ne vois pas de soupirail. Et je force sur les parois de mon asphyxie avec le bélier des mots. Si, malgré tout, elles ne s'ouvrent pas, un passant entendra la ruée anarchique de mon langage, ou le S.O.S. baroque de mon agonie. »
FRANKÉTIENNE, Mûr à crever, 1995