
Il y avait les prémisses, il allait dans la cuisine, remuait les casseroles, ouvrait le frigo.
La petite fille le suivait, il lui disait : « pour faire des bons œufs au plat, il y a un impératif, il faut que les œufs soient à température ambiante ». Alors il ouvrait la porte du frigo et sortait les œufs en soupirant, les envies subites ne permettent pas toujours la perfection !
Il sortait le petit plat en aluminium, choisissait le plus petit, celui qui était tout cabossé. C’était celui-ci et pas un autre .Il allumait le gaz, faisait grésiller le généreux morceau de beurre, et quand tout était bien chaud, y versait les deux œufs, en les cassant un à un au-dessus du plat. Sur la fin de la cuisson, il rajoutait le gros sel et le poivre. Alors, ils s’asseyaient tous les deux dans la cuisine, ils mangeaient à même le plat en trempant le pain, dans ce mélange onctueux de beurre et d’œuf, le gros sel craquait sous les dents.
La mère ne manquait pas de rouspéter : « ce n’est pas une heure pour manger des œufs !». Cela faisait aussi partie du rituel…et du plaisir. Elle avait sans doute raison, bien avant l’heure, en cette époque où le souci du cholestérol n’était pas de mise, mais qu’est-ce que c’était bon !