

Je ne souvenais plus très bien quel âge j’avais quand Paris Inter grandes ondes nous a appris la mort de Gérard Philippe, Wikipédia ne m’a pas laissé de doute, c’était le 5 novembre 1959, j’avais onze ans, je venais de rentrer en 6eme, nous habitions notre maison HLM en location vente depuis trois ans. Pas d’erreur sur le lieu, je jurerais que nous avions encore notre vieux poste de radio d’avant guerre assez imposant pour occuper le dessus d’un petit buffet au fond de la petite cuisine, il craquait beaucoup et parfois il fallait coller l’oreille sur le haut parleur à la toile percée. Maman, elle, avait sans doute, déjà, un transistor sur la table de son atelier de couture diffusant les airs du moment et ayant fait taire les talents vocaux des apprenties soumises à la concurrence de Gloria Lasso, Piaf ou Line Renaud.
Depuis mon premier passage en salle obscure pendant les années de la maternelle où j’avais hurlé qu’il ne fallait pas tuer la maman de Bambi j’étais devenu un cinéphile en culotte courte confirmé, fréquentant la salle obscure du Novelty, d’abord accompagné de ma grand-mère puis de ma grande tante et rapidement seul ou avec des copains.
Gérard Philippe c’était le symbole de la vie, nous étions tous derrière Fanfan La Tulipe, l’exemple à suivre d’autant plus qu’il était proche du Parti si cher à mon père. J’avais un peu plus de mal avec l’acteur de M. Ripois, Le Rouge et le Noir ou du Joueur… Ma sœur ne m’a pas amené voir Les Grandes Manoeuvres. Au patronage laïque nous avions pu voir La Beauté du Diable et j’avais été enchanté par l’attelage avec Michel Simon qui me rappelait Léon le clodo qui avait ses entrées dans la cuisine de ma mère et le beau Gérard à qui je ne pourrais que ressembler une fois devenu adulte.
Gaspard est mort à peu près au même âge que Gérard, et moi je ne suis plus Fanfan, je ne suis plus l’espoir, je suis le Faust Méphistophélès incarné par Michel Simon. Et je m’en veux de ne pas avoir vu davantage de films de ce digne successeur de mon idole d’enfance, dire que j’avais choisi son Saint-Laurent plutôt que celui de Pierre Niney est une maigre excuse.
Je me suis renseigné sur la carrière du jeune premier du XXI eme siècle. J’avais oublié que j’avais beaucoup aimé Les Egarés, je viens de voir « Juste la fin du monde » et « Il était une seconde fois », il va me falloir des séances de rattrapage.
Ainsi est né mon parallèle entre Gérard et Gaspard à une soixantaine d’années de distance, 1947 Le Diable au corps, 2003 Les Egarés. Je ne résiste pas à l’envie de donner ici des extraits du face à face, de leurs débuts, avec Micheline Presle et celui avec Emmanuelle Béart, puis, à l’âge mûr celui de Pot Bouille avec Danielle Darrieux, celui d’Eva avec Isabelle Huppert.
Adieu les Artistes ! A celui des années de l’espoir et à celui du siècle du désespoir.