Qu'est-ce-que le Potje vleesch ? Il s'agit d'un plat d'origine flamande, de Dunkerque, plus précisément. Peu de Français le savent, mais il n'y a pas que l'Alsace, la Bretagne, la Ca

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talogne ou la Corse qui présentent des particularités culturelles ou linguistiques. La Flandre française, située aux confins septentrionaux de notre pays n'est pas, une région. Elle n'est que l'un des pays du Nord-Pas-de-Calais. Elle s'étend de la frontière Belge, à l'est, jusqu'à la « frontière » avec le Pas-de-Calais et de la Mer du nord jusqu'à Valenciennes, au sud.
Elle se divise en deux parties : au nord, le Westhoek, littéralement le « Coin de l'ouest » qui est transfrontalier. L'arrondissement de Dunkerque en est la partie française. La partie belge s'étend de De Panne jusqu'à Bruges et Gand. Au sud, de Lille à Valenciennes, c'est la Flandre gallicane, de langue romane.
Jusqu'au début du 20ème siècle, on parlait le Flamand dans la partie française du Westhoek. Si son usage s'est progressivement perdu, il subsiste, en particulier dans le parler dunkerquois, de nombreuses locutions flamandes ainsi que des usages locaux dans la grammaire et la conjugaison. En dunkerquois, on ne dit pas « il faut que j'aille… » mais « faut que je vais ». Ce qui choque souvent le visiteur qui n'y voit qu'une lourde faute de français alors qu'il s'agit d'une figure de grammaire flamande incorporée au français. On ne dit pas « il court comme un dératé », mais « il court ses pattes en bas », expression littéralement traduite du flamand. On ne dit pas « dépêche toi » mais « surtout, prend pas feu ! » Le parler dunkerquois est d'une grande truculence, avec un accent purement local très prononcé.
La Flandre actuelle est devenue définitivement française en 1713 par le traité d'Utrecht. La Révolution, les guerres, la volonté de l'État d'imposer une langue commune, les migrations intérieures font que le Westhoek a cessé, progressivement d'être une terre d'expression flamande. À la différence des régions citées plus haut où les langues régionales restent vivaces. Ceci étant, des associations multiplient les efforts pour maintenir et développer l'usage du Flamand.
Les Flamands de France, les Dunkerquois en particulier, se reconnaissent dans une culture commune forte qui présente deux caractéristiques :
En premier lieu, il s'agit d'une culture populaire, partagée par toutes les classes sociales, sans aucune exception, qui se manifeste, en particulier, pendant la période de carnaval, de janvier à mars où riches et pauvres, patrons et salariés communient ensemble dans une ambiance chaleureuse et bon enfant. Il est fréquent de voir le délégué syndical de telle ou telle entreprise, partager, un temps, la pinte de l'amitié avec le patron auquel il se confronte durement lors des réunions du comité d'entreprise.
En second lieu, cette culture, cette identification forte à une identité commune intègrent totalement l'appartenance à la nation française. Le héros local, le corsaire Jean-Bart, a défendu les couleurs de la couronne de Louis XIV face à ce qui reste, de façon ironique l'ennemi héréditaire, à savoir, l'Anglais. Jean-Bart, qui ne parlait pas un mot de Français lorsque la Flandre est devenue française, a servi loyalement sa nouvelle patrie. Dépourvu des moyens conséquents de l'ennemi, il a joué de ruse et d'intelligence pour le défaire. Cette malice qui permet au faible de vaincre le fort est dans les gênes de tout bon Dunkerquois qui se respecte. L'espièglerie est un sport local, tel que le pratiquait une autre figure commune à tous les Flamands, Till l'espiègle.
Ces caractères subsistent aujourd'hui dans les rapports sociaux teintés d'une malice bon enfant et jouissive qu'entretiennent les Dunkerquois entre eux, mais aussi avec leurs concitoyens venus d'autres horizons qui, à la faveur, par exemple, d'une mutation professionnelle, posent leurs bagages dans la cité corsaire. Nombre d'entre-eux, d'où qu'ils viennent, décident de s'y enraciner et ne repartent plus jamais, malgré un climat un peu rude, alors qu'ils ne pensaient qu'y rester quelques années forcées. Ce qui est remarquable, c'est que les Dunkerquois « de souche » les adoptent très rapidement. La ville, peuplée tout de même de 100 000 habitants, reste à taille humaine. Ses quartiers sont bien délimités, en raison des fusions de communes successives. Avant d'être dunkerquois, on est d'abord de Rosendaël, de Malo-les-bains ou de la basse-ville, l'un des rares quartiers épargnés par les bombardements allemands de 1940.
Une dernière chose. Les Flamands ne sont pas des Ch'tis, même s'ils entretiennent, avec ces derniers, une complicité amicale. Le Ch'ti est, tout à la fois, une identité culturelle et un parler distincts de ceux des Flamands, même si la porosité n'est pas interdite. Ch'tis et Flamands se côtoient fraternellement. Ils partagent le même goût pour la bière et les nourritures roboratives régionales, dont le potje vleesch et les frites qu'ils partagent volontiers !
Venons en donc à la recette du potje vleesch, à savoir la mienne.
Pour 6 personnes :
Du lapin
Du lard
Du poulet
Du veau
Toutes ces viandes à poids à peu près égal (prévoir 250/300 grs par personne au total)
Deux grosses carottes coupées en fines tranches
Beaucoup d'oignons coupés en fines tranches
De l'ail
Thym, laurier
Baies de genièvre (hyper important)
Vin blanc – on peut utiliser la bière, mais je préfère le vin
Vinaigre de cidre. La proportion est de 3/4 de vin pour 1/4 de vinaigre
Gros sel, poivre
Dans une terrine prévue pour aller au four, on alterne les couches de viande, légumes, aromates, sel, poivre.
Dans une casserole, on fait chauffer le vin blanc avec le vinaigre et on y fait fondre la gelée.
On verse le jus obtenu dans la terrine en veillant à bien couvrir.
On enfourne 2h30 à 150°.
Après cuisson, laisser refroidir et mettre au réfrigérateur pendant une nuit.
Déguster le lendemain avec une bonne bière de garde, des frites et une salade. Il n'est pas indispensable de beugler des chants du carnaval, mais ça entretient la convivialité.. Surtout, on laisse la gelée fondre sur les frites...