En ces jours de carême, je me suis souvenue de la lettre de rupture que j'avais adressée à Gudule, il y a fort longtemps.
"Mon cher Gudule,
Vous croyiez avoir rompu avec moi, mais je suis au regret de vous annoncer que,contrairement à toute attente, j’avais déjà rompu. Donc tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Vous pensiez peut-être un jour me reconquérir comme on irait simplement chez son boucher acheter un tranche de pâté de foie ou l’un de ces gros saucissons que certains appellent Jésus. Détrompez vous, jamais, au grand jamais, vous ne pourrez me refaire le coup de la brouette yougoslave ou me faire hurler " Fais-moi mal Johnny "comme au bon vieux temps ! Je vous ai rencontré à mon insu, à un âge où j’espérais profiter de vos faveurs pour obtenir 10/10 à mes dictées et j’ai longtemps cru que vous intercédiez en ma faveur, au vu des bons résultats scolaires que j’obtenais. Erreur de jeunesse, je n’avais que huit ans. J'ai trouvé auprès de vous une âme charitable étonnamment silencieuse qui recueillait mes peines, sans broncher, comme si vous aviez fait commerce de mes chagrins. Puis j'ai dormi en pensant à vous des nuits durant et en rêvant que sous les pa pa , les pa pa , les pa, les palétuviers, les éviers et les laitues(célèbre chanson Stanislas) , mais ma pudeur m’interdit de vous en dire plus. Finalement, pour me prouver votre ardeur, vous m'avez offert une vulgaire gourmette en argent pour ma communion solennelle. Déjà, je ne vous aimais plus, mais je ne vous haïssais point.
Mais désormais, il en va tout autrement.
Vous avez osé un jour faire dire à l’une de vos amies croyantes qu’un enfant mort ne l’était pas vraiment et qu’il attendait de l’autre côté, que la souffrance était moindre pour ceux qui avaient l’espérance…Chouette, tu verras la teuf lorsqu’on se retrouvera là- haut, tous ensemble !
Osez, face à l’indicible, mettre dans la bouche de vos ouailles une tartufferie si indécente, cela méritait un bourre-pif que je ne désespère pas de vous mettre un jour.
J’en suis restée si effarée que mon ombre doit encore être scotchée sur le pavé de la rue où cette conversation eut lieu. Ce jour-là fut un krach dans ma vie, un peu comme celui de Panama pour B.Cendrars. Je décidai la rupture. Je décidai de ne plus faire semblant de croire, que croyants et non croyants étions si proches. Un abysse de malentendus nous séparaient."Qu'est-ce qu'un Dieu masqué dans l'incompréhensible?” (V.Hugo). Je choisis alors de penser un peu à la façon de P.Desproges, qu’il y avait deux sortes de personnes sur terre. Les gens croyants et les non croyants, qui sont gentils. J'allais jusqu'à penser , dans mon inextinguible colère, que les croyants ne le faisaient pas exprès....
En bref, vous m’insupportez. Entendez-vous dans les campagnes, sous votre robe de bure, sonner le glas de nos amours défunts ?
Allez, rentre chez ta mère,désormais, je te tutoies, si, si, et je garde la tourniquette pour faire la vinaigrette et la cuisinière et le bel aérateur pour bouffer les odeurs ( B.Vian, La complainte du progrès). Quant aux clés du paradis, inutile de les conserver, je ferai changer la serrure.
NB : Cesse de te faire surnommer dieu, c’est d’un commun, bien d’autres l’ont fait avant toi !
Assume ! Gudule , tu es et Gudule tu seras toujours !
Adieu et à d'autres."