Flo de Vedelly (avatar)

Flo de Vedelly

Abonné·e de Mediapart

Billet publié dans

Édition

Je me souviens....

Suivi par 289 abonnés

Billet de blog 15 février 2010

Flo de Vedelly (avatar)

Flo de Vedelly

Fausse blonde.....pas quiche du tout....

Abonné·e de Mediapart

Vicheat

Flo de Vedelly (avatar)

Flo de Vedelly

Fausse blonde.....pas quiche du tout....

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’enveloppe a glissé répandant son contenu sur le sol. Des photos, des clichés de cette époque où le numérique n’avait pas encore tout envahi… Une pellicule, des réglages et mises au point, 12, 24 ou 36 poses….et ensuite l’attente pendant quelques jours, le temps du développement…et la surprise bonne ou mauvaise, des instants figés mais heureux souvent, la plupart du temps.En rassemblant les photos éparpillées sur le sol, soudain ton regard a accroché le mien…cette photo, la seule que j’ai de toi….je l’avais totalement oubliée…nous sommes là tous les trois, Vero toi et moi, capturés dans une pause un peu convenue…derrière nous l’Océan Altantique.Les souvenirs sont revenus en rafale…je ne sais pas par où commencer.Je me souviens de toi, Vicheat…Nous avons fait connaissance à la photocopieuse…j’étais train de l’insulter copieusement…quand j’ai senti une présence derrière moi. Tu me regardais surpris par ce débordement de jurons…et puis, avec ce calme qui ne te quittait jamais…tu as remis la machine en route….tu m’as aidée à faire mes tirages, à les classer et à les agrafer. Puis tu m’as saluée d’un signe de la tête et tu es parti.Nous sommes revus quelques jours plus tard. Tu étais d’une discrétion extrême. J’avais le sentiment d’être hystérique à côté de toi…Je me souviens de toi, Vicheat….Tu étais arrivé en France, en 1980. Asile politique. Pays : Cambodge.Des épidémies, de la souffrance, des persécutions, de la famine, de la perte des proches…tu n’as jamais rien dit…et je n’ai jamais posé de questions…Derrière ton sourire, au-delà de l’éclat brut de tes yeux…il y avait l’innommable…Je me souviens de toi, Vicheat….Dans ton bureau, il y avait toujours du thé et des biscuits….des graines de lotus confites.Parfois des fruits exotiques…que tu découpais pour nous…Oh ce jour…où tu étais venu avec un durian….cette odeur de pourriture sucrée qui a envahi l’étage….et puis ensuite la saveur du fruit, sa chair juteuse et ferme…Je me souviens de toi, Vicheat….New York en 1994, ma première fois dans cette ville folle et magique.Nous étions là dans le cadre d’un séminaire professionnel. Tu te promenais dans New York les yeux fermés. C’était une ville que tu aimais et que tu avais envie de faire aimer.Vero et moi, tu nous as pris sous ton aile….tu t’es déclaré guide officiel des « demoiselles ». Nous avons passé 4 jours en dehors des sentiers battus. Point vu la 5ème avenue, la statue de la Liberté ou l’Empire State Building….mais nous avons arpenté les planches du bord de mer du côté de Brighton Beach, déjeuner de piroshkis à Little Odessa, de nems croustillants vendus par un marchand des rues dans Mott Street, photographié les écureuils dans un square au bout de la 125ème rue.Tu étais contagieux avec ton amour pour New York…je ne suis toujours pas guérie…Je me souviens de toi, Vicheat….De ta présence, de ton écoute, de ta chaleur incomparable…Les longs mois où j’ai accompagné mon père malade d’un cancer en phase terminale…il n’y qu’à toi que j’ai pu raconter, dire les mots, exprimer toute l’horreur du corps qui se délite, de la raison qui s’en va…J’ai compris grâce à toi que finalement ce temps était un temps précieux…pour parler, mettre en ordre, pour dire adieu…Quand mon père est mort, un matin de novembre….le ciel était bleu…je n’ai pas pleuré, juste pensé que c’était une bien belle journée pour mourir…que mon père était parti en règle avec lui-même et que c’était cela l’important…Je me souviens de toi, Vicheat…Entre nous aucune ambigüité.Simplement une histoire d’amitié toute simple.Je me souviens de toi, Vicheat…De ce samedi, cet appel…de cette voix me disant que tu étais parti…une crise d’asthme…Des pleurs impossibles à contrôler.De cette cérémonie magnifique pour te dire au revoir…de la couleur orange…de ta femme et tes enfants si dignes.De tous ces hommes et ces femmes qui étaient là rassemblés dans la peine.

Je me souviendrai toujours de toi, Vicheat.

J’ai mis ta photo sur le frigo, au milieu des photos qui comptent pour moi…ces photos qui me rappellent des instants de bonheur. « Vicheat » cela veut dire Naissance

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.