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Elle ne porte aucun bijou. Elle semble entre deux âges, une expression passée de mode de nos jours. Elle est digne, droite dans ses escarpins aux talons sages.
Deux valises sont soigneusement alignées, à sa droite. Les immenses baies vitrées nous offrent la vue sur des collines indiscernables, avec, au premier plan, le capot et la calandre rutilante d'une américaine que l'on sait commune aux USA mais qui miroite aux yeux des Européens des années cinquante. Le regard de cette femme est énigmatique, telle une Joconde d'outre-Atlantique.
Vient-elle d'arriver ou s'apprête-t-elle à s'en aller ? Bagages fraîchement déposés ou tout juste bouclés ? Qui regarde-t-elle ? Le chief detective qui vient l'arrêter ou l'amant avec lequel elle a rendez-vous pour une fuite éperdue sur la mère des routes, la 66 ?
Je ne connaissais pas Edward Hopper. C'est l'un de mes amis, qui, en 1989, m'a offert la reproduction de ce tableau, à l'occasion de mon anniversaire. Ce fût un choc, tant cette femme, sur le lit de cette chambre de motel ressemblait à ma mère quand elle était à l'orée de la cinquantaine.
Même seins lourds, même coupe de cheveux, même ovale du visage. Comment ce peintre américain pouvait-il connaître celle qui m'avait mise au monde ?
Il y a, tout à la fois, du Raymond Chandler, du Mickey Spillane et du Dashiell Hammet dans ce tableau qui est un polar écrit au pinceau en lieu et place de la Remington réglementaire.
Avec une femme qui ressemble à ma mère, assise sur un lit de motel américain...