Pardon Jacques, de prendre votre mort pour prétexte. De vous je n'ai lu que quelques livres et quelques poèmes, j'ai vu votre bobine en imposer, contemplé quelques peintures, lu quelques critiques. Bref, de vous, je ne connais rien. Dans l'inachèvement, toujours.
Que reste-t-il d'un écrivain mort ?
A la question "Que reste-t-il d'un proche disparu ?", chacun se débrouille avec la réponse, en se heurtant au manque, au regret. Au fait, qui étaient mon père, ma mère, mon frère, ces inconnus ? Une photo, une carte postale, un sourire, un souvenir.
Que reste-t-il de ceux dont on lit la 'nécro' dans les journaux ou même un peu plus proches, tu sais la boulangère est morte ce matin... Comme une esquisse de regret. Et encore. On lit les nécrologies comme on parcourt les allées d'un cimetière. En pensant à autre chose. Au mieux sa propre fin.
Et les écrivains ? L'écrivain n'est pas un homme public comme les autres, le bon écrivain s'entend: l'homme politique laisse une réforme, un idéal mal digéré et une autobiographie écrite par un autre, le savant une découverte, le peintre quelques toiles, le musicien une chanson. L'écrivain ?
Comme les autres hommes publics, il a droit à une dépêche lapidaire suivi d'un flot d'hommages -convenus, maladroits, érudits, s'essayant à l'intime. Oh pas de liesse collective. L'écrivain n'est pas une pop star. Le bon écrivain s'entend.
Puis viennent les relectures. La plongée.
Le chanteur se dévore vivant. On ne lit bien qu'un écrivain mort. Pour dissiper les brouillards.
"Et tu sais aussi que j'aime le brouillard parce qu'il ressemble
A ce regret qui est en moi." (Jacques Chessex, Les Elégies de Yorick)
SD.