Jamais dans l'histoire du football français, un sélectionneur n'aura autant alimenté la polémique. Les journaux ne parlent que de lui. Les talk show consacrés à ses capacités à conduire «notre» équipe de France pendant la Coupe du monde 2010 foisonnent. Sans compter les émissions de télévision où on l'écorche gratuitement. Et tout ça en sachant qu'il sera remplacé par Laurent blanc dès le 11 juillet, quel que soit le destin Bleus en Afrique du Sud. Bref, Raymond Domenech c'est un peu Assurancetourix, le barde gaulois : plaqué au mur et ficelé avant même d'avoir « chanté ».
Mais qui est-il vraiment ?
Pour ceux qui le connaissent (bien), l'homme est différent du sélectionneur. Il est courtois, drôle et talentueux. Et oui!
Pour avoir suivi tout le cursus de formation depuis 1991 au Centre technique national Fernand-Sastre de Clairefontaine (dans les Yvelines), je peux vous certifier que le technicien est brillant. Il a une culture footballistique exceptionnelle, il a formé les jeunes entraineurs à accepter la contradiction et il a poussé les formateurs à orienter leur métier sur l'utilisation du ballon plutôt que sur « la récupération du relationnel bondissant ».
Je vous vois sourire: «Tu es gentil Tosi mais quand on voit jouer l'équipe de France ; explique-nous où est le talent dans l'utilisation du ballon ? Sans un coup de main du destin (et de Thierry Henry), on se demanderai dans quel état il + Eire + ton Raymond! »
Etes-vous réellement objectif à son sujet ?
Ne me dites pas que vous avez déjà oublié le magnifique plan de jeu que le sélectionneur Domenech a mis en place contre l'Espagne lors de la Coupe du monde 2006 : un bloc bas, compact et des joueurs qui pressaient les Espagnols dès qu'ils franchissaient notre moitié de terrain.
Quelques mois plus tard, le même tacticien sélectionnait Sydney Govou pourtant mis au placard par son club, l'Olympique lyonnais. Et là, miracle : l'ailier lyonnais nous gratifiait de deux buts mémorables contre nos excellents ennemis italiens, nous offrant une somptueuse revanche (3-1) sur la finale du Mondial perdue quelques semaines plus tôt (1-1 après prolongation, 5 tirs au but à 3). Au passage, Raymond Domenech alignait, pour la première fois, Lassana Diarra au poste d'arrière droit. Un peu comme si Karajan avait joué la cinquième de Beethoven à la guitare électrique sans une seule fausse note et en soulevant le public. Pas mal, non?
Si José Mourhino, double champion d'Europe des clubs avec le FC Porto (2004) et l'Inter Milan (2010) avait concocté de tels plans de jeu, tout le monde aurait crié au génie et il aurait sa statue en bronze à Clairefontaine. Mais ce n'était que Raymond...
Et oui, Raymond Domenech, enfin un footballeur qui n'a pas eu peur de se cultiver et qui a pris des cours de communication.
Vous doutez toujours. «Excuses-nous, Noël, mais là tu exagères. C'est quelqu'un de ta famille, Raymond. Demander sa fiancé en mariage lors de la débâcle de l'Euro 2008, tu appelles ça + maitriser la communication +?»
Je ne sais pas si c'est maitrisé mais en tout cas c'est inoubliable et vous ne l'avez pas oublié, la preuve. Et puis, si communiquer c'est provoquer des réactions, alors on dira qu'il a bien provoqué, notre sélectionneur. On parlera encore de sa prestation lors des prochaines sessions de PNL (Programmation neuro-linguistique) dans les plus grandes agences de com.
Enfin, au delà de l'homme, il y a les chiffres. C'est important ça, les chiffres quand on est sélectionneur. Et pour Raymond Domenech, ils sont éloquents : trois qualifications consécutives pour des compétitions internationales (deux coupes du monde en 2006 et 2010, un championnat d'Europe des nations en 2008). Il est le seul sélectionneur en France à avoir fait ça.
Alors, je vous ai convaincu ?
« De quoi ? »
Mais de croire aux chances de l'équipe de France dans cette Coupe du monde! L'homme Raymond n'est jamais aussi fort que dans l'adversité. Le sélectionneur Domenech excelle lorsqu'il ne fait pas l'unanimité et, aujourd'hui , il a prévenu ses joueurs : «Je ne serai plus votre paravent, votre parachute. Vous ne recevrez de cette Coupe du monde que ce que vous voudrez bien lui donner.»
Si ça, ça n'est pas mettre les joueurs devant leurs responsabilités. Le plus drôle, c'est qu'ils pourraient bien les prendre. Et alors, là...