Une question se pose depuis quelques mois: une équipe africaine peut-elle gagner la Coupe du monde 2010? Rien n'est moins sûr. La qualité des formations qualifiées n'est pas en question mais la plupart déroge à une règle essentielle dans ce genre de compétition: la force de l'équipe, c'est l'équipe autour de l'équipe.
En football , il y a ce qui se voit – le match, les joueurs, l'entraineur, les entrainements (quand on peut y assister, bien sûr) – et puis il y a l'invisible – la logistique, le service, l'attention portée aux joueurs et à leur condition. Et là, la méthode africaine s'appuie sur le miracle permanent.
Le kiné masse les athlètes avec de la crème solaire payée de ses propres deniers; les maillots d'entraînement perdus au cours d'un improbable voyage se retrouvent en vente sur les marchés de Dakkar (Sénégal) ou de Brazzaville (République du Congo); les ballons restent à l'hôtel; le bus des joueurs n'arrivent jamais car le chauffeur du car à du aller chercher ses enfants à l'école au débotté.
Vous pouvez croire que j'éxagère mais vous vous trompez. J'ai occupé les fonctions de sélectionneur national de Mauritanie (2003-2004) puis du Congo (2006-2007). Je connais le terrain. Je l'adore. Sans ces péripéties, le boulot serait un peu tristounet et le football africain dénué de charme.Mais quand même...
Je dois reconnaître que les dirigeants souffrent de la multiplication de ces situations et travaillent depuis des années à en atténuer les effets. C'est un travail colossal souvent appuyé par le sélectionneur en place. Je pense au Brésilien Carlos Alberto Parreira, vainqueur de la Coupe du monde 1994 avec le Brésil, qui, depuis 2006, a réussi à organiser l'environnement de la sélection sud-africaine au point de la rendre crédible au plus haut niveau de compétition.
D'autres galèrent. Paul Le Guen, avec le Cameroun, se prépare des moments difficiles. Après sa défaite contre le Japon (1-0, lundi 14 juin), les responsables fédéraux se sont étonnés de cette «contre-performance» compte-tenu des «moyens» mis à la disposition du Français. Alors que, franchement, côté moyens...
Les équipes africaines les mieux entourées, les mieux organisées, accompliront le meilleur parcours. A ce titre, la Côte-d'Ivoire a de bonnes chances. Son match nul (0-0), mardi 15 juin, face au Portugal ne change pas grand chose. La fédération ivoirienne a accordé une carte bleue avec crédit illimité à son sélectionneur, Sven Goran Erickson, pour que l'équipe ne manque de rien pendant l'épreuve. Il y veillera. On peut lui faire confiance.
Cette histoire de carte bleue, qui n'est pas vraiment un détail, m'a fait rire. Il m'a rappelé des souvenirs. J'ai repensé à ma prise de fonction au Congo. Nous étions prêts à partir pour Johannesburg où nous devions justement rencontrer l'Afrique du Sud de Carlos Alberto Parreira, qui jouait là son premier match officiel. Le ministre des sports congolais avait réuni la presse et toutes les instances fédérales pour un discours type «au revoir et bonne chance» au cours duquel, après avor vanté mes qualités, il avait insisté sur la confiance qu'il plaçait en cette nouvelle équipe du Congo.
La dernière phrase de son intervention aurait du m'inquiéter mais, à l'époque, je pensais avoir mal entendu: «Sachez, messieurs, que le selectionneur Noël Tosi a toute ma confiance et que pour les frais afférant à la sélection, il aura carte blanche pour les payer avec sa carte bleue.» Oui, oui, la mienne.
Le match a été une veritable réussite: 0-0 contre une belle équipe d'Afrique du Sud . Quant à l'organisation, j'ose à peine en parler: rien n'avait été prévu pour le retour des joueurs congolais jouant en France, même chose pour les journées supplémentaires passées à l'hôtel en attendant l'avion et les repas qui vont avec...
Heureusement qu'avec le milieu défensif Christian Bassilla (actuel joueur de Guinguamp) nous avions notre propre carte de crédit et que nous n'avons pas hésité à nous en servir parce que sans ça je crois qu'une partie de l'équipe nationale de la République du Congo serait encore bloquée à Johannesburg!