Billet de blog 10 octobre 2008

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Algérie : Des guerres sans fin à c’était notre terre. De B. Stora à M. Belezi

"L'amnésie peut donc fonctionner comme une bombe à fragmentation. Si les haines, les rancœurs restent trop longtemps confinées dans l'espace privé, elle risquent d'exploser sans l'espace public plusieurs dizaines d'années plus tard"(Benjamin Stora. Les guerres sans fin. page 103) « il faut toujours que le sang coule pour que les choses changent » (Mathieu Belezi. C’était notre terre. Page 291)   Bombe, fragmentation, haine, rancœurs, sang, les deux livres résonnent involontairement. Comment pouvait-il en être autrement ?

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"L'amnésie peut donc fonctionner comme une bombe à fragmentation. Si les haines, les rancœurs restent trop longtemps confinées dans l'espace privé, elle risquent d'exploser sans l'espace public plusieurs dizaines d'années plus tard"

(Benjamin Stora. Les guerres sans fin. page 103)

« il faut toujours que le sang coule pour que les choses changent » (Mathieu Belezi. C’était notre terre. Page 291)

Bombe, fragmentation, haine, rancœurs, sang, les deux livres résonnent involontairement. Comment pouvait-il en être autrement ?

D’un côté Benjamin Stora au cœur de l'histoire, de l'autre M.Belezi, un étranger dans la mémoire algérienne. L'historien trouve le chemin de l'intimité et l'écrivain niché dans les détails découvre les routes de l'histoire et de la violence malgré sa volonté trop affichée de vouloir par-dessus tout faire un livre. L'historien est solide dans l'expérience de la fragilité de sa propre mémoire. L'écrivain parfois s'égare dans la solidité de son écriture mais il rejoint l’historien dans la narration intime de la tragédie.

Il y a quelque chose de gênant au début du livre de M. Belezi, quelque chose qui souligne l’extériorité de l’écrivain ou sa présence incongrue dans son propre livre. Quelque chose qui est de l’ordre du mensonge. Il y a un peu du J. Little des Bienveillantes dans cette manière d’être voyeur, puis petit à petit d’amener le lecteur à accepter la narration de faux témoins mêlés à de vrais témoignages.

Benjamin Stora nous entraîne avec lui. Il est dans le témoignage et dans l’histoire. Il éclaire le chemin. Mais de temps à autre, il lâche le lecteur. Il y a une frontière tracée par l’historien au-delà de laquelle on ne peut aller. On le regarde simplement se souvenir. « Ce pays est toujours en moi, mais désormais il était aussi en face, me regardant. » (Benjamin Stora. Les guerres sans fin, page 141)

M. Belezi se glisse dans des peaux qui lui sont étrangères. Il est d’abord un exilé en ses personnages. Mais les personnages se vengent et finissent eux-mêmes par envahir la peau de l’auteur. « parce qu’en finissant ma vie sur le dos de la plus vieille et de la plus épuisée des putes du bordel de Bouzina, il m’a été épargné de vivre ce que les autres colons ont vécu, et de souffrir ce que les autres colons ont souffert. » (Mathieu Belezi. C’était notre terre, page 404)

« Les guerres sans fin » nous invite à penser la tragédie de l’Algérie dans la France et sans elle, la violence répétée des deuils non faits, des ruptures de mémoire

« C’était notre terre » nous précipite dans les bas et les hauts fonds du regret.

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