Billet de blog 3 octobre 2025

Mehdi ALLAL (avatar)

Mehdi ALLAL

Attaché principal des administrations parisiennes / Chargé de mission "Promesse républicaine" (DDCT) / Chargé de TD en droit constitutionnel à Paris Nanterre / Fondateur & Responsable du pôle "vivre ensemble" du think tank "Le Jour d'Après" (JDA) / Président de l'association La Casa Nostra / Membre du club du XXIème siècle / Secrétaire-adjoint de l'association des rapporteurs.trices de la CNDA (Arc-en-ciel) / Fondateur du média "De facto" / Député de l'Etat de la diaspora africaine (SOAD)

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Centralisme, autonomie, voix invisibles : une contribution au concile, au décile près

À Luis Enrique et sa ville d’origine, Barcelone ; à Laure Lavalette et la Mairie de Toulon ; au pape Léon XIV et à l’administration vaticane ; à Donald Trump, président des Etats-Unis ; à Myriam Encaoua, Eugénie Bastié, Apolline de Malherbe, journalistes politique… Et Othello de Bozzi... Par Mehdi Allal, juriste en droit public et historien des idées...

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Attaché principal des administrations parisiennes / Chargé de mission "Promesse républicaine" (DDCT) / Chargé de TD en droit constitutionnel à Paris Nanterre / Fondateur & Responsable du pôle "vivre ensemble" du think tank "Le Jour d'Après" (JDA) / Président de l'association La Casa Nostra / Membre du club du XXIème siècle / Secrétaire-adjoint de l'association des rapporteurs.trices de la CNDA (Arc-en-ciel) / Fondateur du média "De facto" / Député de l'Etat de la diaspora africaine (SOAD)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’histoire des sociétés humaines est une danse suspendue entre deux pôles : l’unité qui cherche à tout contenir, la cohérence qui aspire à l’homogénéité ; et l’autonomie qui s’invente dans le détail, la pluralité, le souffle des différences.
Cette tension traverse la Grèce antique, la Chine impériale, les empires islamiques, les cités européennes, et aujourd’hui encore, nos démocraties hétérogènes.
Le jacobinisme a voulu gommer les plis et les reliefs : un seul peuple, une seule langue, une seule loi, un seul regard. Derrière l’égalité promise, parfois, la pureté politique, parfois le purgatoire des différences. Les dialectes disparus, les coutumes effacées, les corps intermédiaires réduits : tout pour unifier, tout pour centraliser. Mais à quel prix ? La périphérie s’éteint, les identités locales se taisent, et parfois, la violence du centre se fait loi.
À l’inverse, la décentralisation, l’autonomie, la fédération, la confiance dans le proche : c’est la respiration de la liberté. La reconnaissance des pluralités, des pratiques, des accents et des gestes. L’égalité n’est plus une abstraction, elle devient le droit de décider, de parler, de paraître, d’exister.
Depuis les années 2000, le droit français élargit ses protections. Du sexe, de l’âge, de l’origine, jusqu’à la couleur de peau, le handicap, le patronyme, l’adresse, l’apparence... Mais certains filtres, invisibles, désormais impitoyables, échappent encore au code : le visage et le parler. Le visage qui trahit avant le mot, le parler qui condamne ou élève. L’accent, le timbre, la tessiture, la voix qui tremble ou roule, le visage qui rassure ou inquiète, les traits qui classent, cataloguent, assignent.
Choisir ou choir. Éclore ou collier. Dépoter ou déporter. La voix qui tranche, le visage qui exclut. Et pourtant, dans cette pluralité, la véritable égalité prend forme : non pas uniformiser, mais reconnaître, accueillir, ajuster. L’égalité réelle se construit dans la mosaïque des différences, dans l’attention aux intersections : sexe et couleur, origine et quartier, voix et visage.
Le centralisme jacobin et la décentralisation locale ne sont pas ennemis : ils sont les deux bras de la même balance. L’un pour garantir la cohérence, l’autre pour protéger la pluralité. L’un pour unir, l’autre pour laisser éclore. La démocratie se joue dans cette respiration.
Écouter toutes les voix. Voir tous les visages. Respecter les accents, les rires, les rides, les cernes, les tremblements, les silences. Comprendre que la liberté des parties renforce l’autorité du tout, que la reconnaissance des diversités fonde l’unité, que la vigilance envers les minorités est gage de légitimité.
Choisir sa voix, montrer son visage. Ne pas effacer ses contours. Éclore dans la densité du monde, parler sans crainte, apparaître sans masque.
Car rien n’est plus terrible que l’effacement ou l'agacement. Ni le centralisme, ni l’uniformité, ni la norme abstraite. Seul l’épanouissement des singularités, des voix, des visages, fait vivre une société démocratique.
Et dans ce jeu de tensions, de plis et de respirations, la démocratie prend son souffle : fragile, complexe, infiniment vivante. Et dont la torpeur n'est point visible, éclipsée par la vigueur de certains de nos partis politiques, qui mettent du coeur à l'ouvrage et qui n'ont pas peur de l'assombrissement, ni des bruissements de bottes, encore moins de la botanique...
Mehdi Allal, Historien, juriste en droit public et sociologue...

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