Mourir dans la dignité n’est pas une faveur que nous demandons. C’est un droit nouveau à conquérir qui fera de nous des citoyens du début à la fin de notre vie. La mort, avec la sexualité, est l’un des grands sujets tabou de la société française. Dans ces deux matières, pourtant au cœur même du parcours de chaque être humain, la France accuse un retard presque liberticide.

Des forces rétrogrades – notamment ceux que j’ai appelés les voleurs de liberté, titre de mon dernier livre – largement minoritaires si l’on s’en réfère aux nombreux sondages qui fleurissent régulièrement, bloquent toute évolution de la législation au nom d’une certaine morale. Et notre pays accuse un retard par rapport à ses voisins européens.
Cachée, rejetée, la mort fait peur et la facilité, ou la lâcheté, fait que nous accordons aux médecins, sur notre propre vie, le droit fantastique de décider de ce qui est bon pour nous. L’image du sachant reste ancrée dans notre inconscient et nous nous soumettons.
C’est ainsi qu’après l’acharnement thérapeutique, heureusement condamné par la loi du 22 avril 2005, succède l’acharnement palliatif. Les pouvoirs publics font du suivi palliatif en fin de vie la seule possibilité à offrir aux citoyens de notre pays.
L’ADMD milite pour le choix de son propre parcours de fin de vie : accès universel aux soins palliatifs et aide active à mourir.Si les sympathisants de l’ADMD, si ses 48 000 adhérents actifs, si les responsables de l’association reconnaissent la qualité du travail conduit par les soignants palliatifs, ce traitement de la question de la fin de vie ne peut pourtant être qu’une possibilité parmi d’autres, offerte à celles et ceux qui, même s’ils sont en fin de vie et que la mort se profile au bout du chemin, restent des citoyens à part entière, avec la capacité de choisir ce qui est bien pour eux-mêmes, en accord avec leur conscience et, pourquoi pas, en harmonie avec ceux qu’ils aiment.
L’ADMD milite pour un accès universel aux soins palliatifs, comme il existe pour nos voisins néerlandais, belges et luxembourgeois.Toutefois, faire des soins palliatifs la réponse à toutes les questions de fin de vie pose de véritables problèmes, tant pratiques que philosophiques. Selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), seuls 20% des Français qui en ont besoin accèdent effectivement à un lit dans une unité de soins palliatifs. Les autres n’ont pas d’autre solution que de mourir dans des services inadaptés à la prise en charge de la fin de vie, au milieu de malades qui, eux, vont guérir. Plus encore, 45% des départements français ne disposent pas d’unité de soins palliatifs. Que faire alors ?
De plus, comment imaginer qu’un pays, la France, qui, aujourd’hui, coupe les crédits à la santé, crée une médecine à deux vitesses, privatise certains soins puisse offrir à toutes celles et à tous ceux qui en ont besoin une place en unité de soins palliatifs lorsque le besoin s’en fera sentir ? Il faut impérativement donner aux soins palliatifs l’importance qu’ils méritent dans la gestion de la fin de vie. Mais en faire un droit et non une obligation.
