Payot, 2013
Par Stève Bessac
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La réédition de ces deux textes de Georg Simmel (1858-1918), philosophe et sociologue allemand, doit, d’une part, au fait que ces brefs écrits soient tombés dans le domaine public et, d’autre part, à l’intérêt croissant de la part des chercheurs mais surtout des pouvoirs publics pour les villes et en particulier pour les métropoles. Cela explique donc ce retour à Simmel qui fait figure de précurseur de la sociologie urbaine.
Dans son premier essai extrait d’une conférence de 1902 et intitulé « Les grandes villes et la vie de l’esprit », le savant berlinois s’intéresse aux conséquences sensorielles de la vie urbaine sur les individus. Celle-ci provoque trois conséquences majeures, bien analysées par Philippe Simay dans sa préface. Simmel souligne d’abord « l’intensification de la vie nerveuse » en milieu urbain c’est-à-dire que les sens sont toujours en alerte (du fait des nombreuses lumières par exemple). Ce surplus de stimuli conduit ensuite au « caractère blasé et réservé » des citadins. Enfin, dans les grandes villes, la division du travail et l’économie de marché connaissent leur plus grand degré d’épanouissement. Le sociologue allemand dénonce alors la dépersonnalisation des grandes villes.
Simmel ne prône toutefois pas un retour en arrière, ne fait pas sien le discours réactionnaire selon lequel la grande ville serait mère de tous les maux. Influencé par une forme d’évolutionnisme, il considère d’ailleurs la ville comme un progrès puisque « la vie citadine a transformé la lutte pour la subsistance en une lutte pour l’être humain ». La megapolis peut même apparaître comme libératrice, « par opposition aux mesquineries et aux préjugés qui mettent à l’étroit l’habitant de la petite ville » (p. 60). En somme, le savant allemand appelle de ses vœux une ville « humaine ».
Dans le deuxième texte, Simmel analyse l’usage des sens – et en particulier de la vue et de l’ouïe – dans les villes, lieux sociaux par excellence, d’où l’intitulé « Sociologie des sens ». Cependant, l’auteur ne distingue pas les pratiques sensorielles en fonction de l’appartenance sociale des individus, ce qui nous semble une lacune.
La Revue du projet, n° 37, Mai 2014