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Billet de blog 3 décembre 2008

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En novembre 2008, la Biennale de Design de Saint-Etienne a fête son dixième anniversaire.

L’un des messages était : « il faut beaucoup de design pour que dure la planète ». Un peu exagéré j’en conviens mais n’est-il pas de bonne guerre qu’une profession qui se développe tire un peu la couverture à elle ?

Alors ne faisons pas une affaire de cette appropriation excessive. Ne rentrons pas dans la querelle de savoir qui des professionnels de la ville apporte les réponses les plus justes aux problèmes qu’elle pose (ou ne pose pas). Entendons le message de cette façon : « la planète a besoin d’attention pour durer, d’intelligence, de création».

Ce message qui vaut pour la planète vaut également pour les cités ou les lieux qui les composent. Ils ont besoin que l’on prenne soin d’eux, c’est-à-dire qu’on en apprécie les qualités, que l’on en favorise l’activité, la capacité à constituer des lieux habités. Ils nécessitent de l’intelligence car ils sont compliqués, contradictoires, changeants. Préserver leurs valeurs en accompagnant leurs mutations demande des capacités de compréhension, d’étude, d’analyse. Ils convoquent la création car passer d’un phénomène complexe à une situation, un processus, un territoire « vertueux » demande des capacités à en maîtriser les différents éléments pour inventer une manière de les combiner, productrice d’unité et de valeur.

La Biennale montre la démarche de design, qu’elle décrit et décrypte à partir de la conception d’un objet ou de la réponse à une situation que l’on veut faire évoluer. Or un tel processus s’avère en fait être une attitude que doit avoir toute action urbaine, au contraire de celles que sous-entend la table rase, l’approche fonctionnaliste ou trop patrimoniale, l’application de recettes. Un exemple en est donné par l’Atelier de Saint-Etienne. Il était formé de jeunes créateurs qui, issus des écoles d’Art et d’Architecture de la ville, furent chargés de créer les projets d’espaces publics, en lien avec les services techniques. Il combinait la valorisation des acteurs, la construction d’une capacité de production de projet sur le territoire, la constitution d’une écriture spécifique cohérente avec le projet de la ville fondé sur le design, la possibilité de réaliser beaucoup de projets à un coût modéré et dans un temps court. Plus de 130 sites ont ainsi été aménagés, transformant la ville et, pour cette raison même, rendant nécessaire la création d’un nouveau processus.

Mais à la trilogie « attention, intelligence, création », il me semble qu’il manque la dimension stratégique. La réponse doit en effet être à l’échelle du problème. Quel est l’intérêt de passer cinq ans à trouver une solution quand, dans le même temps, les difficultés ont augmenté, les solutions à apporter ont changé. Les thèmes du temps et du choix sont récurrents dans l’action publique. Prenons l’exemple d’Eco City Lab, une des expositions phares de la Biennale. Elle relate un grand nombre d’initiatives locales visant à changer notre rapport à la ville, à la consommation, au monde, aux autres. Au-delà de leur réel intérêt, de leur existence qui permet d’explorer des pistes possibles, sont-elles à l’échelle du problème posé dans les villes, avec leur réalité, leur complexité, leurs enjeux politiques, sociaux, économiques… ?

L’exemple du vélo est significatif. La Biennale l’aborde à un endroit comme un bel objet dessiné, puis dans Eco City Lab comme un service de transport urbain ou d’approvisionnement en aliments. Les exemples sont riches en tant que tels mais ne manque t’il pas un stade qui serait la recherche du meilleur chemin pour passer à l’acte ? Sur ce sujet, la mise en priorité de l’utilisation du vélo dans les villes du Nord comme Copenhague, ou le levier de développement qu’ont été Vélov ou Vélib ne forment-elles pas des stratégies opérantes, au-delà de toutes les critiques que l’on pourrait leur adresser ?

Dans le même sens, le concept de ville fertile recommande en particulier et pour simplifier, en plus des jardins ouvriers déjà existants, que l’on produise de la nourriture sur le territoire urbain même. Pourquoi, en poussant jusqu’au bout la logique, ne pas multiplier les rondpoints pour en faire des jardins potagers ! Toute approche par trop sectorisée présente rapidement ses limites. Ne faut-il pas changer d’échelle et par exemple aborder la diminution de l’usage de la voiture en organisant alors sans attendre les déplacements, l’approvisionnement et le fonctionnement des villes en ce sens, dans cet objectif devenu prioritaire? Notre société sait aujourd’hui construire des projets très sophistiqués. Elle serait parfaitement capable de mener à bien celui-là. Question de choix et de stratégie.

Paris le 21 novembre 2008

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