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« Rire et sourire, c’est toujours conspirer ». Les Editions L’Esprit frappeur ont rarement autant mérité leur nom. Thierry Maricourt, écrivain aux talents multiples dont nous avons récemment présenté son livre sur Michel Ragon, nous propose une formidable charge en faveur d’un rire libre, voire libérateur. Le dernier numéro de la revue « Raison présente » a rassemble une dizaine de contributions universitaires sur le thème « Rire malgré tout ! ». Les quarante pages de Thierry Maricourt traitent du même thème d’une toute autre façon, celle d’un immense éclat de rire. Mais pour quoi « conspirer » ? Réponse : « Rire et sourire c’est toujours conspirer, autrement dit, comme on le sait, respirer ensemble. Ce qui ne plaît pas à tout le monde. Est-on aussi moins cons ? ». Le langage est vert. On s’y attendait.
Et on y prend goût, d’autant plus que l’auteur va au fond des choses : la censure et l’autocensure des rieurs. « Au cours de l’histoire, rire a toujours été une activité à haut risque, mais depuis quelque temps une tolérance attachait le rire aux droits humains ». Et plus spécialement aux libertés d’expression et de création. Mais voilà : « Rire c’est se moquer et rien ne fâche plus les mal-comprenant que les plaisanteries qu’ils devinent être à leur égard et qu’ils ne saisissent pas ». Et il n’y a pas que les mauvais coucheurs.
Il y a aussi les gens qui combattent les pêcheurs : « On ne rit pas de Dieu. On ne sait jamais, s’il se vengeait un jour… Ses fidèles goûtent moins la farce que la force ». Thierry Maricourt diagnostique un nouveau cléricalisme qui, mille fois hélas, frappe à gauche : « A l’heure de la cancel culture… tu n’es pas libre d’être toi car tu es le représentant d’une race, d’un genre, la couleur de ta peau, tes goûts sexuels, ton accent… ». L’auteur mets les pieds dans le plat et relève : « Les racistes, les ségrégationnistes, les suprématistes n’en espéraient pas tant : qu’un jour leurs ennemis parleraient leur langue et feraient de leurs valeurs leur propre étendard ». Un constat est posé sans fioritures. Sommes-nous capables d’en mesurer la teneur et d’en parler rationnellement ? Ainsi pourrait naître « la conspiration euphorique, à laquelle tous, sans dieu ni maître, sommes conviés ».

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"Hautes conspirations. Les théories du complot" Editions La Déviation
Vous avez aimé Thierry Maricourt pamphlétaire ? Vous l'aimerez romancier. "Mes élèves m'insupportaient moins que mes collègues. Ils ne me tapaient pas sur les nerfs comme leurs parents..." Certains enseignants se reconnaîtrons peut-être. D'autres les trouverons bien décrits. Erreur: si le héros du dernier roman de Thierry Maricourt est d'abord portraituré en gentillet enseignant d'une école de Normandie, il se mue en féroce institueur préparant la prise en otage de ses élèves. Rien n'est simple: il combat par ailleurs les complotistes "une des meutes de ces canidés féroces qui se disputent le fief de l'information". C'est l'été, le bon moment pour se plonger dans ce voyage dans le monde moderne, entre paranoïa et schizophrénie...