
Pour ceux qui n’ont pas la chance de se rendre à Barcelone voir cette monumentale exposition sur le monde en 2000 photos, restent quelques bijoux dans le cadre du Mois de la photo. A Paris, « Un jour la nuit » fait partie de ces perles. C’est une exposition qui regroupe les balades et les errances nocturnes de Patrick Zachmann, de l’agence Magnum Photos, entre 2001 et 2005, de Paris à Séoul, de Londres à Rio, de Amsterdam à Pékin, de Barcelone à Bamako.Au fond d’une cour pavée abritée sous des arbres, derrière les anciens moulins de la rue des Frigos, à quelques mètres de la BNF,on pénètre à la lumière de quelques lampions dans les voûtes de ce lieu parisien très singulier. Les photos de Zachmann sont exposées sur les murs de ces vieilles pierres, dans une ambiance tamisée. Quelque trente de ses œuvres sont là, autant dire une infime partie de son travail. Sur le mur du fond, un écran projette ces mêmes photos plus quelques unes en grand format.

La première chose qui frappe quand on entre, outre l’odeur des pierres (sic), c’est la couleur des photos. Patrick Zachmann nous a habitués à des images en noir et blanc, et nous livre là des photos aux couleurs chatoyantes, aux nuances tantôt chaudes, rouge ou jaune, tantôt froides, bleues ou vertes. L’idée est née en Chine : de retour après une longue absence dans ce pays qu’il a beaucoup photographié, Zachmannse dit « choqué » par le surgissement de la couleur lié selon lui à la profonde transformation du pays. Et cette attirance pour les atmosphères nocturnes ? « Mon attirance pour photographier la nuit a toujours existé. Comme d’autres photographes, j’ai aimé l’univers de Brassaï et celui de Weegee. J’ai beaucoup photographié la nuit en noir et blanc, ses bas-fonds et son monde souterrain. Aujourd’hui, à travers cette série, je reste éveillé dans ces grandes mégapoles, des nuits entières, moi qui ne suis ni somnambule, ni insomniaque, ni même vraiment noctambule. Simplement, j’aime photographier les atmosphères et les lumières de la nuit. » peut-on lire sur le texte de présentation écrit par le photographe. S’éloignant du reportage, ses photos deviennent ici impressionnistes. « Elles ne racontent pas une vie nocturne mais plutôt certaines ambiances particulières ». Et c’est effectivement l’ambiance qui prime dans ces impressions nocturnes qui rappellent des images cinématographiques, celles de In the Mood for Love (Wong Kar Wai) notamment, même si au final c'est surtout le caractère pictural qui domine dans son "regard en couleur". Ainsi de cette mise en abyme à Budapest, où Zachmann, descendant d’un tramway, a photographié dans la rue une affiche d’un tableau d’Ingres devant un musée, affiche trouée, écornée, au rendu flou, magnifique image étonnante de la nuit hongroise, loin des clichés.
