Ils sont partout. Sur les affiches, dans les journaux, dans les boutiques. Si vous ne les avez pas vus, c'est que vous n'êtes pas une femme. Ou pas un homme...
Moi, je les ai vus.
Au début, j'ai dédaigné. On ne me la fera pas, à moi ! Et j'ai regardé ailleurs.
Mais en tombant dessus à chaque page « femme », devant chaque image publicitaire mettant en scène une silhouette féminine perchée sur des escarpins invraissemblables, la révolte a commencé à poindre son museautêtu.
Non ! Je vous dis que je ne les porterai pas ! C'est hors de question ! Je tiens à ma démarche libre, j'aime sentir le macadam sous mon pied, quand j'arpente la ville à mon rythme, rapide.
Non, je ne les porterai pas, ces talons hauts qui rivalisent de charme sur les photos de mode, tous plus beaux les uns que les autres (les créateurs, sentant le vent du boulet de la crise, se sont déchaînés, cette année !) mais dissimulant sous leur ligne esthétique les risques que fait courir à la citadine active une démarche de séductrice du cou-du-pied.
Pour les oublieux, j'énumère :
Les femmes-girafe.
Les femmes à plateaux.
Les pieds bandés des chinoises.
L'infibulation.
La clitoridectomie.
Les corsets.
Les robes à paniers.
Les tatouages.
L'épilation totale.
Le tressage.
Les jupes étroites.
La chirurgie esthétique.
La céruse.
Le botox.
Les bottes en été.
Le petit haut en mousseline en hiver.
La bourka.
La gaine.
La gymnastique sur machine.
Le power plate.
La salle de sport.
Le régime amaigrissant.
L'anorexie.
La liposuccion.
Le brushing.
Le Rimmel.
La lampe à bronzer.
Le soutien-gorge qui remonte les seins.
Le collant qui écrase les fesses.
Le pantalon qui laisse déborder le ventre.
Le bas qui tient tout seul en étranglant la cuisse.
Liste non exhaustive...
«Il faut souffrir pour être belle » disait ma grand-mère. Sa petite-fille va regimber, comme toujours, à l'aliénation que la mode va lui demander. Chaque époque dicte la nouvelle atteinte au corps des femmes qui, prétendant exalter sa féminité d'une façon moderne, restreint en fait sa liberté. Etre féminine ne nécessite ni d'être entravée dans sa démarche, ni de risquer tomber en tordant son élégante cheville fine.
Contre l'aliénation, manifestons, mes soeurs, en talons plats !