De plus en plus et par intermittence reviennent des réflexions sur le partage du temps de travail et sur le revenu de base.. Pour résumer les arguments qui soutiennent ces prises de position, le chômage est structurel et ne va pas régresser dans un avenir prévisible. La robotisation et les progrès techniques/informatiques remplacent des postes de travail humains.La concurrence brutale entre les pays du nord et ceux du sud pèse à la baisse, lourdement sur l’emploi et sur les salaires. Il y a comme un effet de mise à niveau de vases communicants amplifié par la mondialisation. Le niveau le plus haut baisse tandis que le plus bas monte jusqu’à atteindre l’équilibre. Peut-on dire l’équité ? On pourrait s’y résigner, mais comme toujours de gros malins, avides et cupides et en position de force, en profitent pour siphonner tout ce qui peut l’être à leur seul profit. L’idée du revenu de base va un peu plus loin : chaque être humain aurait « droit » à un minimum vital. Reste à quantifier, calculer ce niveau minimum.
Dans ce cadre très succinctement tracé, la réduction du temps de travail, à 32h par semaine ou moins, apparaît comme un ajustement permettant au système de continuer dans la même logique d’une production en expansion infinie. Cet aménagement ne serait accepté et ensuite phagocyté que lorsque les puissances financières et industrielles mondialisées y trouveraient leur compte. Elles sont suffisamment fortes et malignes pour détourner, à leur profit, tous les ajustements et réformes qu’elles trouveront sur leur chemin et faire leur beurre sur le dos de l’ensemble des travailleurs de la planète. C’est en tout cas ce qui s’est produit depuis l’invention de la vapeur, de l’électricité, du pétrole et du nucléaire.Ce projet de réduction du temps de travail, en France et évidemment en Europe, me semble être une réforme très modeste qui, si elle aboutit un jour, ne fera probablement que conforter le système économique prédateur qui nous contrôle. C’est plus une très modeste « utopie raisonnable » qu’un projet de transformation de notre société.
Essayons d’amplifier fortement cette notion de revenu de base et en pleine conscience utopique posons l’hypothèse que chaque être humain sur cette planète pourrait bénéficier d’un toit, de condition d’hygiène et de nourriture lui permettant de vivre sans avoir à « gagner » sa vie.Laissons de côté pour l’instant le souci de savoir si c’est réalisable économiquement, si l’état actuel des techniques le permet et faisons comme si les requins politico/économico/financiers avaient perdu tout pouvoir. Lançons-nous dans une expérience de pensée.
Nous voici en face d’une société ou les machines travaillent pour nous et fournissent l’essentiel vital. N’ayant plus rien, ou très peu, qui nous obligent, nous les humains, allons nous ennuyer. On peut assez facilement imaginer une explosion de la consommation des drogues et alcools de toutes sortes. Très vite les moyens de distractions seront débordés et un retour aux jeux du cirque version moderne est à prévoir. En effet au bout du bout de l’ennui il reste le jeu de la vie et de la mort. La mort, surtout celle des autres et la nôtre à l’horizon serait la seule contrainte, la seule réalité palpable.
C’est dans « le très peu qui nous oblige » que réside sans doute une réponse positive qui viendra contrebalancer les effets nocifs d’une liberté absolue et démotivante.Comme supposé plus haut, les machines travaillent pour nous, mais il faut malgré tout les entretenir, ou entretenir celles qui entretiennent les premières, etc…. Par nature toutes constructions à tendance à se dégrader au fil du temps. Nous humains produisons des déchets. Même dans une société la plus écologique possible, nous ferons toujours pipi et caca. Il faudra enterrer les morts ou les brûler, etc…. Il y aura donc des activités qui devront être assumées par des humains tant que les machines ne pourront le faire. Certaines de ces activités seront sans doute peu agréables à effectuer. (gestion des déchets, service d’ordre, lutte contre les catastrophes et ainsi de suite) Il y aura peut-être des volontaires prêts à donner de leur temps et de leur énergie au service de la communauté. Mais leur nombre et leur régularité ne permettront pas d’assurer le minimum indispensable à la vie de cette société. Dans ce monde utopique, des contraintes seront donc indispensables.
Imaginons une liste des travaux à faire qui ne peuvent être ignorés. Qui va les assumer ? Tout le monde à tour de rôle en fonction de ses compétences. Comment organiser cela. Le modèle du service militaire, obligatoire pour tous et toutes nous donne des pistes de réflexion. Il y aurait un conscription concernant chaque citoyen et citoyenne. Les tâches les plus ingrates seraient alors partagées. Le modèle suisse pourrait nous servir de guide. Ne rentrons pas dans les détails de cette organisation et restons résolument utopiques. Les travaux de base sont assumés, chacun donne une partie de son temps pour le bénéfice de tous. Pour que cela ait un sens, disons pas plus d’une semaine par mois en moyenne. Que va-t-on faire du reste du temps, à part s’ennuyer ?Ne perdons pas de vue qu’à ce stade nous n’avons que le minimum pour vivre. Certains voudront plus. D’autres beaucoup plus. Ils proposeront donc des activités « rémunérées » soit par de la monnaie soit pas des échanges et du troc. Rien n’empêchera quiconque de vendre sa force de travail s’il le souhaite. D’autre ferons des choses gratuitement, pour le plaisir de faire ou de rendre service. Les artistes artisteront et les cigales chanteront après avoir fait leur part de travail de fourmis. Un cadre de lois ou de règlements veillera à ce que personne ne puisse abuser du système et que par cupidité ou pauvreté d’esprit, ne tente de remettre en place une organisation prédatrice.(Je laisse en attente une réflexion sur l’éducation, la sexualité, la guerre et la question écologique/climatique)Restent ceux, qui pour différentes raisons, ne pourront s’adapter à cette société. L’ennui les submergera, ils n’auront pas assez de richesses intérieures pour aller vers les autres. Ils se morfondront, déprimeront et auront besoin d’aides et « prise en charge » thérapeutique. Ils seront de moins en moins nombreux au fil du temps, car peu à peu chacun et chacune apprendra à assumer cette nouvelle liberté.
En conclusion de ce trop succinct tour d’horizon , il me semble qu’il est souhaitable de travailler à la promotion du revenu de base, la réduction de temps de travail n’étant qu’un tout petit aspect d’un questionnement plus général.