Ce dimanche un court film anonyme au titre intriguant de"Fragments d'une Révolution"était projeté au cinéma l'Odyssée. Quelle Révolution? avec qui? pourquoi "fragments"? et pourquoi cette projection dans le cadre du Forum mondial de la démocratie ? La ou plutôt les réponses étaient données par la projection - 55 'mn- mais surtout par le débat explicatif avec un Iranien de Paris.
D'abord le film: en fait surtout des allers-retours entre images diffusées sur You Tub et un-ou des- anonyme tapant sur son clavier d'ordinateur des questions, des commentaires, des conseils et donc des fragments. Ces fragments relatent les mouvements autour des élections présidentielles de 2009 en Iran: d'abord une campagne électorale intense, avec de nombreuses manifestations qui laissent à penser que l'opposition à Ahmadinejad peut l'emporter et donc que la démocratie progresse; puis des mouvements de masse, - mouvement vert - , après l'annonce des résultats, alors que le scrutin n'est pas terminé: dénonciation d'une fraude massive, non par bourrage d'urnes, mais par falsification du résultat qui donne Ahmadinejad vainqueur avec 63% des voix; parallèlement, suivent rapidement des arrestations, dont celles des autres candidats, et de nouvelles manifestations fortement réprimées dont le nombre de morts est de plusieures centaines. Lentement , en près de six mois, les inter-actions entre Paris et Téhéran via internet s'estompent puis cessent et le mouvement semble s'éteindre, en partie parce que internet et les réseaux soxciaux sont sous contrôle du pouvoir. On comprend alors pourquoi cette projection dans le cadre du Forum: puisque un aspect fondamental de la démocratie est bafoué par ces élections, plus falsifiées que truquées , par le vaste mouvement répressif et par les multiples restrictions aux libertés qui s'en est suivi.
Mais on comprend mieux encore avec le débat explicatif: en écoutant Syamak Agha Babaei, Iranien installé à Paris, on sent encore la déception causée par l'échec de ce mouvement précurseur, 2 ans avant les Révolutions arabes; se posent alors les questions: pourquoi cet échec? pourquoi le mouvement a-t-il été peu répercuté par les médias et les pays occidentaux? Pour Syamak Agha Babaei, le problème vient en partie de la confusion induite en Iran et ailleurs par le débat sur le nucléaire: en simplifiant, on peut dire que les craintes des Occidentaux sur le nucléaire iranien prennent le pas sur la défense des droits de l'homme; en Iran même le problème du nucléaire fausse aussi le débat; le président Ahmadinejid arrive habilement à fédérer son peuple autour de ce problème. Dès lors, la défense des droits fondamentaux est oubliée, notamment tout ce qui concerne les libertés fondamentales: pas seulement le droit de vote - officiellement respecté, puisque éléctions il y a eu - ou de s'exprimer, mais aussi ceux de s'habiller à son goût, de chanter, d'écouter de la musique, tout simplement de vivre au XXI°s.
Alors quelles solutions pour l'Iran, pays jeune et éduqué? Pour notre interlocuteur, elle ne peuvent venir que de la société civile qui doit s'inventer de nouveaux moyens d'action, hors Révolution. Pour lui, le régime actuel va s'effriter puis disparaître, mais lentement. Autant dire que le pari n'est pas gagné et que les Iraniens ne sont pas prêts de jouir vraiment de la démocratie. Une limite à l'universalité? la question mérite d'être posée. Du moins ceux qui ont vu le film et entendu Syamak Agha Babaei en sont ressortis mieux informés sur la complexité de l'Iran et le long chemin vers la démocratie.