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La cérémonie d’ouverture du Forum Mondial de la Démocratie, s’est déroulée, lundi matin au Palais de l’Europe à Strasbourg, sans chef d’Etat d’où qu’il vienne même pas le président du pays-hôte, M. François Hollande. Si, tout de même, M. Ban Ki- moon, Secrétaire Général de l’ONU puisqu’il en a le rang, protocolairement.
Il faudrait être bien grincheux pour bouder son plaisir en voyant autant de bonnes volontés réunies pour exécuter une symphonie aussi consensuelle.
Respect des rituels.
Hymne à la joie, l’hémicycle est debout.
Suivent les discours distribués dans l’ordre établi par le maître des lieux, Thorbjorn Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Après lui c’est le tour du sénateur-maire de Strasbourg, ville-hôte, M. Roland Ries, puis de M. le représentant de la France, Etat-hôte…, le ministre délégué Bernard Cazeneuve. Le président de la Région- hôte, M. Philippe Richert ( UMP), restera muet, son ex-collègue au Sénat M. Ries (PS) parlant pour lui. Symphonie oblige ! De toute façon, aussi bon orateur que ses prédécesseurs, il n’aurait pas pu faire montre d’originalité.
Professeurs ou autres correcteurs de copies d’examen ou de concours, comme les auditeurs habitués à de telles cérémonies et évidemment les journalistes, connaissent la lassitude qu’inflige, à terme, la répétition des propos attendus sur un même sujet, chacun s’acquittant de sa tâche avec sérieux et recherche de belles citations. Par bonheur, on a échappé à la répétition de la même citation. Mais c’est comme çà ! Pas de regrets.
Une mention spéciale revient toutefois à Roland Ries (Ph. Richert en aurait sans doute fait autant pour les mêmes raisons) qui, à deux reprises, a cité le journaliste, polémiste, écrivain, europhile intransigeant et innovant, Daniel Riot pour la part qui lui revient dans ce projet de forum qui voit le jour, trois ans seulement après sa disparition.
Mais si tout cela se déroule paisiblement, dans une litanie de vœux pieux, on reste tout de même très européano-européen et parfois franco-français. Dans ce dernier cas, on considérera tout bonnement qu’il était nécessaire que le ministre français excusât l’absence du président de la République, « retenu ailleurs ».
Comme le Premier ministre et même le ministre des Affaires Etrangères ? Sans doute.
Qu’à cela ne tienne, la grand’messe n’est pas terminée ou, en métaphore moins connotée, le plat de résistance arrive.
World Forum ou Word’s Forum ? « Paroles, paroles… »
C’est la question à laquelle Ban Ki-moon et surtout Tawakul Karman répondent en exprimant leurs exigences.
Cette fois c’est de la planète meurtrie sans retenue par les guerres, la pauvreté, la misère, l’analphabétisme, les carences de tous ordres…qui sert d’espace de référence. Nous sommes dans un Forum Mondial, les orateurs ne l’oublient pas. Ils n’oublient pas davantage qu’il s’agit ici de démocratie et que celle -ci n’est possible, concrètement, qu’allant de pair avec le développement économique et partant social. Tous deux savent, comme l’avaient évoqué les précédents orateurs, que la démocratie n’est jamais parfaite, qu’elle est toujours en danger, qu’elle peut et doit être conçue en respect des cultures et des états de développement les plus divers. Sous-titre du Forum : La démocratie à l’épreuve
Entre modèles anciens et réalités nouvelles.
Et, évidemment dans ce cas, on invoque immanquablement la sentence inoubliable de Winston Churchill .(Le plus mauvais des systèmes à l’exception de tous les autres) .
Le Secrétaire Général de l’ONU, fier d’avoir tenu la promesse de participation, faite dans les mêmes lieux, il y deux ans si ce forum s’y tenait, en ajoute encore à l’endroit de ses hôtes :
« Robert Schuman a dit du Conseil qu’il était le laboratoire dans lequel se faisaient les expériences sur la coopération européenne. J’irai plus loin, en disant que le Conseil de l’Europe est le laboratoire dans lequel se font les expériences sur la coopération mondiale, à partir de nos valeurs et de nos principes communs. Je compte sur vous, le Conseil de l’Europe, pour vous faire le champion de la démocratie. Je vous demande de faire connaître vos ambitions et d’aider ceux qui rencontrent des difficultés, afin que la démocratie devienne une réalité dans tous les pays du monde.»
Qui dit mieux ? Le Conseil vraisemblablement a besoin de ce soutien, son action au service de la démocratie et des Droits de l’Homme étant souvent sous-estimée et relayée au second plan, derrière l’institution dont il a pourtant été le préambule puis l’antichambre, i.e l’Union Européenne.

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Tawakul Karman, journaliste, très active en politique au Yémen et dans le monde depuis qu’on lui a décerné le prix Nobel de la Paix en décembre de l’an dernier, recueille un tonnerre d’applaudissements quand elle affirme haut et fort qu’on ne saurait se satisfaire des déclarations, de chartes et de conventions comme c’est le cas dans les institutions internationales comme l’ONU ou le Conseil de l’Europe.( Suivez les regards) Elle réclame des mesures contraignantes contre les manquements aux principes de la démocratie et des Droits de l’Homme. « Contraindre », le mot revient souvent dans son discours. Il ne sonne pas comme une formule creuse dans la bouche de cette passionaria que le pouvoir a jeté en prison pour son activité révolutionnaire. Des milliers de manifestants dans les rues, ont obtenu sa libération. Un succès marquant pour cette extension des printemps arabes qui n’est toujours pas achevée. Alors contraindre mais comment ? Voilà un débat.
Son action lui a valu le surnom de « mère de la révolution », à elle qui, en tenue traditionnelle, réclame la liberté pour les femmes, considérant que la révolution est une opportunité pour elles de « se lever et faire partie de la solution » . « Soeur courage » lui conviendrait aussi, à elle qui s’adressant à l’auditoire entend parler à ses « frères et sœurs ». Allah ou les cieux l’entendent ! Comme on voudra.
Un beau moment qui, à lui seul fait de ce début de forum une belle promesse.
Les programmes, Inn et Off, sont pléthoriques et si tentants qu’ils requièrent le don d’ubiquité.