Billet de blog 9 octobre 2012

geneviève Baas

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Forum mondial de la démocratie: une soirée"off" passionnante avec le Monde

Le Monde n'a laissé passer l'occasion de débattre autour des enjeux de la démocratie. Ainsi, lundi soir, étions-nous conviés dans le cadre du programme "off", à une rencontre avec  des  journalistes sur le thème: "quelle démocratie après le printemps arabe?"

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Le Monde n'a laissé passer l'occasion de débattre autour des enjeux de la démocratie. Ainsi, lundi soir, étions-nous conviés dans le cadre du programme "off", à une rencontre avec  des  journalistes sur le thème: "quelle démocratie après le printemps arabe?"

C'est Sylvie Kauffmann qui lance le débat, en rappelant que le monde arabe reste encore en ébullition en cet automne 2012, au vu des nombreuses manifestations qui ont agité le dernier week-end: en Jordanie, où le pouvoir royal commence à tanguer, à Istambul, en Libye, en Tunisie, sans oublier, évidemment la  malheureuse Syrie. Elle rappelle qu'il ne faut pas oublier que l'on est seulement dans l'an un , après la Révolution, et que beaucoup de choses restent à construire. Nous, Occidentaux, sommes plus pressés que les citoyens de ces pays et voulons des résultats plus rapidement. Des résultats, on en trouve déjà, ne serait-ce que l'acquis principal, impensable il y a peu encore pour ces pays: une liberté plus grande et en particulier la liberté de la presse et le droit de manifester. La société  civile s'est réveillée et les pouvoirs devront composer avec elle. Elle passe alors la parole aux différents journalistes, certains grands reporters qui ont couvert et couvrent encore les événements.

Isabelle Mandraud s'est penchée sur le cas tunisien qu'elle a suivi ces derniers mois, en rappelant que le Monde était interdit en Tunise avant les événements. Elle rappelle que tout le mouvement est parti de Tunisie, qu'il est allé très vite et que les gouvernements occidentaux ne l'ont pas vu venir, ni les journalistes d'ailleurs. Une assemblée constitutionnelle a été élue pour un an, un gouvernement s'est mis en place, mais des incertitudes demeurent sur le calendrier des nouvelles élections et sur les difficultés rencontrées par les islamistes, majoritaires,  et les autres forces du pays.

Florence Aubenas revient de quelques mois dans le nord de la Syrie, où elle est entrée illégalement. Elle s'est trouvée au coeur des événements qui l'ont conduite, malgré elle, à être présente au début de la bataille d'Alep. Ici, contrairement à la Tunisie et l'Egypte, l'évolution est lente, peut-être par manque de réelle vie associative: la population ne rejoint pas la rébellion facilement; c'est lorsqu'elle est directement atteinte, par les bombardements par exemple, qu'elle commence à se mobiliser; souvent ce sont des entrepreneurs, privés de leur travail qui participent en premier. Mais là, les moyens sont plus que faibles face à ceux de l'armée régulière qui  sont considérables. Les manifestations de rue sont devenues plus importantes, mais n'atteignent pas encore l'ampleur des pays voisins. Sont-ce des djihadistes? Pas dans le secteur où elle se trouvait, pense-t-elle, mais elle  ne peut répondre pour les autres régions.

Gilles Paris est responsable du service international du Monde. A son tour il rappelle qu' ils n'ont pas vu venir les événements; à titre d'exemple, il rappelle que son journal n'avait plus de correspondant en Egypte depuis longtemps, puisque "il ne s'y passe jamais rien". Il a fallu agir dans l'urgence, vue la rapidité de l'explosion, surtout au Caire, suivi bientôt par le Yemen et la Syrie. Là encore,il  rappelle la rapidité du renversement du pouvoir au Caire. Aujourd'hui, l'Egypte débat sur sa constitution et les salafistes doivent composer avec les autres tendances. Içi aussi, il souligne l'impatience des Occidentaux à voir le régime s'installer durablement dans la démocratie et rappelle que la lenteur du processus ne permet pas de préjuger de son aboutissement. 

Enfin, c'est Mathieu Guidère, spécialiste de géopolitique qui clôt les interventions. Il fait un long exposé où il tente d'expliquer la position de l'Islam dans ces mouvements. Globalement, si les islamistes refusent la démocratie, c'est parce que c'est une construction du monde occidental. S'ils acceptent la dictature, c'est parce que Dieu l'a voulu, et un jour Dieu ne le voudra plus. Ce jour est-il arrivé dans le printemps arabe? dans ce cas, il  s'agit de récupérer le mouvement et d'aller au-devant des masses populaires. Les ilsamistes ont gagné les élections dans tous les pays, maintenant il faut organiser le pouvoir. Mathieu Guidère voit 3 tendance chez les islamistes; les "frèristes"-frères musulmans- qui sont modérés, les salafistes plus extrémistes quant à la charia par exemple, et ceux qu'il appelle les "salafistes parlementaires" qui  chercherait un compromis plus démocratique, mais avec la charia. Il conclut en disant que les élites islamistes sont conscientes des enjeux, qu'elles réfléchissent au moyen de ne pas se faire déborder par la base et par la marge.

Toutes ces interventions ont contribué à une meilleure lisibilité des mouvements. S'en sont suivies des questions sur les problèmes du financement, de l'armement, des alliances et d'autres. J'en retiendrai une, très débattue: le rôle du Qatar en France aujourd'hui.Pour Mathieu Guidère, spécialiste du Qatar, ce pays n'est pas un danger pour la France; c'est plutôt lui qui se cherche des alliés, parce qu'il craint une invasion de l'Iran avec qui il partage un énorme gisement de gaz, source de sa richesse. En finançant des associations françaises, à leur demande, il fait de la France un allié. Bien sûr, dans la salle, tous ne l'ont pas suivi, mais c'est le propre des débats que d'amener des contradictions.

Bref, une soirée très riche  qui avait vraiment sa place dans ce Forum mondial de la démocratie.

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