Billet de blog 11 octobre 2012

geneviève Baas

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Forum mondial de la démocratie: un clap de fin renversant, éblouissant et...émouvant!

En cette fin de matinée s'est tenue la séance de clôture de ce Forum mondial de la démocratie, dans un hémyclique quasi bondé et attentif. C'est à l'égyptienne Nawal El Saadawi qu'il appartenait d'intervenir en premier.  C'est une intervention éblouissante et renversante qu'a donnée cette femme de 80 ans, médecine, psychiatre, écrivaine, militante des droits de l'homme en général et des femmes en particulier et qui a connu l'emprisonnement et la condamnation à la peine capitale dans son pays, avant de fuir aux Etats-Unis. 

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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En cette fin de matinée s'est tenue la séance de clôture de ce Forum mondial de la démocratie, dans un hémyclique quasi bondé et attentif. C'est à l'égyptienne Nawal El Saadawi qu'il appartenait d'intervenir en premier.  C'est une intervention éblouissante et renversante qu'a donnée cette femme de 80 ans, médecine, psychiatre, écrivaine, militante des droits de l'homme en général et des femmes en particulier et qui a connu l'emprisonnement et la condamnation à la peine capitale dans son pays, avant de fuir aux Etats-Unis. 

 Renversante,d'abord parce que, selon elle, le Forum n'a pas atteint tous ses objectifs: on a parlé démocratie, solidarité , paix, en général, mais on a oublié la justice, or peut-on parler de démocratie sans justice? la réponse est non. Mais elle n'accuse pas seulement le Forum, auquel elle a participé avec intérêt, mais aussi les organisations internationales comme l'ONU, voire les pays comme les Etats-Unis,  qui selon elle, sont souvent complices des régimes dictatoriaux. Les décennies d'existence de l'ONU n'ont pas fait avancer le développement dans de nombreux pays, la pauvreté, le chômage, les migrations se sont aggravés et la guerre est encore présente. A l'entendre, on a l'impression que le monde n'a pas progressé depuis soixante ans; on est alors à contre- courant de ce Forum, d'où l'adjectif renversant.

Alors elle nous interroge: comment expliquer cet échec? Il faut d'abord poser le diagnostic, puis chercher des remèdes. Le diagnostic se trouve, selon Nawal El Saadwi, dans une mauvaise perception du monde. Là, elle part un peu, oserai-je dire, en vrille, dans une tirade globalement anti-occidentale ; ainsi elle estime que les notions de "proche" ou de "moyen" Orient, n'ont de sens que par rapport au monde occidental, alors que le monde est un tout; elle fustige les colonisateurs ou néo- colonisateurs qui ont imposé leurs mentalités et plus particulièrement par rapport à l'argent; la  mondialisation a conforté le pouvoir de l'argent. En partant de l'exemple de la Révolution égyptienne, à laquelle elle a participé - elle est revenue pour cela en Egypte - elle constate que les 20 millions d'Egyptiens qui ont manifesté place Tahir, ont été ensuite trahis parce que le pouvoir est passé aux mains des Frères musulmans soutenus par les Etats-Unis. Les objectifs initiauxde la Révolution se sont perdus au profit des défenseurs de la charia.Elle dénonce avec force la collusion entre religion et Etat, qui se rerouve ailleurs, comme en Israel.

Puis elle cherche des remèdes. Ceux-ci ne se trouvent pas à l'ONU, encore une fois dénoncés comme faisant le jeu des Etats-Unis, mais dans l'installation d'Etats laïques qui seuls pourront instaurer l'égalité et la justice. Elle estime qu'il faut des idées novatrices pour sauver le monde.

En conclusion, Nawal Saadawi pense qu' un voile  a été soulevé en Egypte, mais que les esprits restent voilés! l'Egypte n'a pas encore trouvé le traitement. Et ce Forum, dit-elle, c'est trop penché sur les symptômes sans analyser les causes et chercher les remèdes. 

Tout ce plaidoyer a été prononcé de  manière éblouissante, énergique et a conduit les auditeurs à se lever pour applaudir longuement la conférencière, même si parfois, les propos leur ont semblé démesurés.

S'en sont suivi plus de vingt questions, émanant de nombreux représentants de pays très différents: Pays-Bas, Ukraine, Tunisie, Yemen, Azerbeïdjan, Palestine, Russie, Montenegro, Algérie, Burundi- on était bien dans un forum mondial -: la plupart ont apprécié globalement les propos  de Nawal El Saawani, en les nuançant souvent ou en les complétant, en demandant, par exemple que l'on passe aux actes après les paroles de ce Forum. Seul l'ambassadeur d'Israel a, et c'est normal, violemment contesté les propos tenus.

Après une intervention très formelle d'un représentant du goouvernement de la Répubblique de Guinée, l'Algérien Boualem  Sansal a lu son "appel pour la paix" lancé dans le cadre de ce Forum .

Le ministre tunisien de la planification a encore pris la parole et expliqué l'ampleur des progrès accomplis dans son pays, propos désavoués ensuite par deux universitaires tunisennes aussi, qui estiment que les libertés sont loin d'être respectées.

Pour clôre la matinée et le Forum, nous avons eu une séquence émotionJean Louis Laurens, coordinateur principal du Forum, s'est d'abord félicité de son succès et a remercié tous les acteurs du plus grand au plus petit. Il espère qu'un nouveau Forum aura lieu, mais... et c'est là qu'intervient l'émotion, sans lui, puisqu'il part à la retraite les prochains jours, il a eu du mal à contenir son émotion d'être pour la dernière fois , à cette place, dans cet hémicycle. Il appelle néanmoins chacun à formuler ses remarques, positives ou négatives, sur le site du Forum, hébergé par le site du Conseil de l'Europe.

Quant à moi, je concluerai en disant que ce Forum  était vraiment enrichissant, que ce soit le in ou le off ; je regretterai comme beaucoup, qu'il n'ait pu que prononcer des mots, alors quece sont  les actes qui deviennent urgents pour les causes dénoncées. Attendons un deuxième Forum qui nous prouvera que nos paroles ne se sont pas envolées.

 Merci à vous, lecteurs, de m'avoir suivie dans cette rubrique spéciale ces quelques jours; je ne sais combien vous étiez, mais je souhaite longue vie à Médiapart et à ses initiatives.

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