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Dans la famille « le système capitaliste corrompt tout et refuse de reconnaître ses erreurs », je voudrais le scandale sanitaire agricole des Algues vertes. Comme souvent il suffit de remonter à la source des témoins, de garantir la transparence et de réagir de façon déterminée pour préserver la santé publique et la vie des citoyens. Ca c’est dans un monde idéalisé. Malheureusement les enjeux économiques toujours considérés comme vitaux et le refus politique de reconnaître les erreurs passées et d’assumer une bifurcation conduisent à l’omerta et aux morts.

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L’affaire des algues vertes est très simple: lors de la mise en place de la Politique agricole commune, dans une idée productiviste, la Bretagne est sortie de la pauvreté en se spécialisant dans le porc suivant la logique de l’avantage comparatif. Les engrais et les déjections des bêtes depuis les élevages intensifs produisent du nitrate, superfertilisant qui ruisselle jusqu’à la mer et provoque une explosion des « marrées vertes ». CQFD. Qui dit développement économique dit concentration et enrichissement des industriels, souvent liés ou directement impliqués en politique ou dans le syndicat FNSEA cogérant de la agriculture avec les gouvernements. Des Vincent Bolloré (milliardaire et magnat des médias d’extrême-droite), Patrick Le Lay (ex patron de TF1), Jean-Yves Le drian (Ministre des affaires étrangères et ancien président du Conseil régional de Bretagne), Jean-Marc Ayrault (ancien premier-ministre notamment dans le conflit sur Notre-dame des Landes), François Pinault (milliardaire et patron de luxe) sont tous bretons et très engagés sur leur territoire. Avec ces enjeux financiers, avec une mainmise monopolistique de la FNSEA, des politiques qui n’hésitent pas à user de leur pouvoir pour étouffer des affaires, l’enquête sur ce scandale ne fut pas de tout repos. Jusqu’à des pressions ou la corruption de scientifiques prêts à démonter les faits, jusqu’à des manipulations de preuves comme cette poche de sang d’un décédé « oubliée » et inexploitable comme pièce à conviction…

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Il n’est guère surprenant que ce reportage ait donné lieu à un film de fiction tant on reste bouche bée tout le long de la lecture , dans ce qui ressemble à un cas d’école au même titre que les barbouzeries politico-financières dont la Françafrique a l’habitude. Alternant les explications didactiques, les entretiens avec des acteurs de cette affaire et description des faits, le rythme de l’album est celui d’un thriller et le sérieux journalistique de l’autrice (chroniqueuse sur une émission écolo à France Inter, documentariste formée à la Femis et disciple de Daniel Mermet) n’abuse pas des suppositions en reconnaissant certaines incertitudes. Un travail remarquable sur une véritable affaire d’Etat dans laquelle seul un arrêt de l’agro-industrie productiviste permettrait de stopper ce danger écologique et humain.
Inès Léraud a reçu le prix éthique de l’association Anticor.
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Algues vertes - l'histoire interdite
d'Inès Leraud et Pierre Van Hove
Le reportage est paru dans la Revue dessinée n°17 parue le 8 septembre 2017 et édité en album augmenté dans la collection Delcourt/La Revue dessinée en 2019. Une adaptation au cinéma par Pierre Jolivet est sortie en 2023.
Nombre de pages : 160p. couleur.
Date de sortie : 19 juin 2019
Éditeur : Delcourt