Agrandissement : Illustration 1
Attention, ouvrage inflammable… Je dois dire que l’ouverture de cette BD documentaire sur les attaques terroristes du 7 octobre 2023 en Israël fait vitre craindre une option orientée, que le nom de Georges Bensoussan (historien spécialiste de l’antisémitisme et auteur du Que sais-je qu’adapte la BD), critiqué pour ses positions depuis le 7 octobre, renforce. Bien heureusement on réalise rapidement que l’ensemble de l’ouvrage vise une perspective scientifique et historique se gardant bien de relever une responsabilité particulière pour au contraire rentrer dans la profonde complexité de la toile inéluctable qui a amené au génocide en cours et à l’abime politique devant lequel se trouve la nation israélienne.
Agrandissement : Illustration 2
Après Gisèle Halimi et L’espion d’Orient, Danielle Masse reste marquée dans son adaptation par l’envie de détailler une profusion de détails qui compliquent par moment la lecture touffue (l’album s’étire sur plus de cent pages). Pourtant, dispensée de récit fictionnel elle peut avec son acolyte au dessin s’attarder sur des séquences historiques réelles ou inventées destinées à faire comprendre les ressorts de ce drame interminable. Avec un dessin clair et agréable où se multiplient des protagonistes que l’on oublie souvent de définir, les planches utilisent largement des dialogues dans le huis clos des congrès des organisations juives ou des cabinets britanniques pour nous faire comprendre les mécanismes à l’œuvre et certaines tentations de trancher, souvent pour le pire. La déclaration Balfour apparait ainsi comme la première faute majeure de l’Empire qui rompt l’égalité à laquelle il était tenu par le mandat de la SDN pour administrer pacifiquement un territoire convoité par le sionisme juif et défendu par les occupants arabes craignant de se voir remplacer.
La BD est remarquablement équilibrée dans la description des velléités colonialistes des sionistes qui considèrent cette terre comme historiquement leur et l’intransigeance des arabes qui refusent depuis la première Aliya toute négociation vers un partage du territoire. Si la perméabilité de la diplomatie britannique et américaine (poussée par les évangélistes pro sionistes) avec le lobbying sioniste transparait bien, la problématique arabe montre un appât du gain dans la vente de terres aux immigrants juifs comme une crainte de se voir remplacer. Deux légitimités évidentes et deux refus de reculer qui laissent les anglais seuls à décider du destin d’une situation inextricable.
Agrandissement : Illustration 3
Dans un tel album il n’y a pas de choix que ne soit pas critiquable, chaque partie y verra un oubli honteux ou un renforcement coupable. Il est certain que l’option des auteurs de la BD de débuter sur l’actualité immédiate en arrêtant le récit juste après la guerre de 1948, occultant les décennies de massacres commis par le nouvel Etat, ne s’inscrit pas dans la cohérence avec l’ouvrage notable de Bensoussan et crée un déséquilibre. Pas de bonne solution mais le sujet obligeait à une neutralité absolue. Cela atténue la portée de l’album qui aurait pu s’appuyer sur une bibliographie permettant de prolonger la compréhension. C’est dommage, mais reste une importante tentative de revenir aux faits historiques pour tenter d’apaiser l’hystérie collective qui a pris le monde autour de ce foyer infectieux de la diplomatie planétaire. Une initiative à saluer.
-----------------------------------
Les origines du conflit israélo-arabe – 1870-1950
de Georges Bensoussan, Daniele Masse et Yana Adamovic
Nombre de pages : 164p., couleur.
Date de sortie : 22 octobre 2025.
Éditeur : Delcourt