Billet de blog 24 mars 2008

Christophe Tufféry (avatar)

Christophe Tufféry

Géomatique, cartographie numérique

Abonné·e de Mediapart

La néogéographie : néologisme "hype" ou vraie nouveauté ?

Christophe Tufféry (avatar)

Christophe Tufféry

Géomatique, cartographie numérique

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis quelques temps, le web de la cartographie en ligne (webmapping) bruit du doux son de "néogéographie".

Blogs, articles et conférences se multiplient, profitant de la notoriété du concept du Web 2.0.

Mais qu'est-ce donc que ce nouvel Alien du cyberespace, mélange d'une nouveauté réclamée (néo) et toujours excitante pour certains, et d'un terme très ancien (géographie), qui a fait frémir tant d'entre nous pendant nos années lycée?

Une excellente introduction à la néogéographie, et quelques liens fort utiles, se trouvent sur les blogs suivants :

- http://www.renalid.com/category/geoweb/

- http://www.geotests.net/blog/index.php?id=

- http://www.cawa.fr/la-neogeographie-ou-l-impact-du-web-2.0-sur-une-industrie-reelle-article001633.html

En reprenant l'une des définitions de la néogéographie proposées sur ces blogs , il s'agirait de "la fusion de l’expérience et des données utilisateur (le Web 2.0 en somme) et de la cartographie en ligne".

Le web cartographique 2.0 est donc annoncé depuis quatre ans et il a déjà ses conférences Where 2.0, dont la prochaine édition aura lieu du 12 au 14 mai 2008 en Californie.

Soyons complets en indiquant que la cartographie en ligne, pour sa part, consiste dans la possibilité de consulter des données sur des fonds cartographiques grâce aux réseaux de l'Internet, mélant données spatiales de référence et données thématiques. Mais la cartographie en ligne hérite elle-même de ce qu'on appelle communément les Systèmes d'Information Géographique (SIG).

On voit donc bien qu'avant de comprendre ce qu'il y a de nouveau dans la néogéographie, il faut d'abord remonter dans le temps et surtout dans la chaîne de l'héritage technologique de la néogéographie dont elle semble vouloir s'affranchir un peu trop vite derrière son appellation.

Parmi les nombreuses définitions des SIG, on peut retenir celle qui affirme qu'il s'agit des "outils informatiques permettant d'organiser et présenter des données alphanumériques spatialement référencées, ainsi que de produire des plans et cartes" (http://fr.wikipedia.org/wiki/Systeme_d'information_geographique).

Les SIG sont donc un ensemble organisé d'outils informatiques (matériels spécifiques d'acquisition et de restitution, logiciels, de bases de données à dimension spatiale) mais aussi de méthodes et de compétences humaines particulières pour ce genre d'outils. Mais il s'agit d'un système d'information qui n'a comme particularité que de traiter des données à référence spatiale ou géographique.

Les premiers SIG sont apparus dans les années 60, à ce qui peut être vu aujourd'hui comme la préhistoire de l'informatique.

Or, quarante ans plus tard, à bien y regarder, on pourrait être tenté de conclure que les SIG et la néogéographie sont la même chose, l'Internet n'ayant introduit qu'une facilitation dans la diffusion des données spatiales et permit au plus grand nombre de croire pouvoir s'improviser "cartographe en ligne" en deux clics et trois mouvements du poignet.

Et pourtant pour l'auteur du blog RinaLId.com cité ci-dessus, "Les SIG et la néogéographie sont en effet des choses différentes mais cela ne veut pas dire qu’ils sont opposés ou tout à fait étrangés". Mais il précise "Ce sont juste des systèmes qui ont un objectif différent" avant de reconnaître que "Les avancées technologiques de la néogéographie offrent la possibilité d’une diffusion majeure auprès du grand public, des développeurs, avec un plus large éventail d’utilisateurs".

Certes, comparaison n'est pas raison, mais ne pouvons-pas faire un parralèle entre la néographie et sa prétendue nouveauté avec certaines grandes innovations technologiques du vingtième siècle comme la voiture? Pouvons-nous affirmer qu'un nouveau modèle venant de sortir des bureaux d'études d'un constructeur automobile a vraiment un autre objectif qu'un modèle datant des années 1900 qui cherchait déjà à permettre à ses usagers de se déplacer plus vite qu'à pied, à cheval, ou en carosse? Là aussi, les seules différences majeures entre ces deux modèles séparés par plus d'un siècle, portent que sur la sécurité, le confort, et la vitesse de déplacement. Il convient donc bien de distinguer objectif et moyen.

La néogéographie n'apporte peut-être pas tant de nouveauté qu'elle veut bien le dire à la géographie. Au mieux, les outils du monde numérique qui servent de support à ce néologisme, un peu à la mode en ce moment sur le "web spatial" et la "géoblogosphère", permettent-ils de faire plus vite (mais pas forcément mieux) ce que les SIG permettent de faire depuis plusieurs dizaines d'années.

Mais dans ce domaine comme dans tant d'autres, l'"effet Google" (ou "Googlisation") est aussi passé par là avec ses services en ligne autour de GoogleMaps (les différents fonds cartographiques, les divers webservices et l'API du même nom) et l'outil de navigation en 3D GoogleEarth.

Et déjà l'hypothèse est émise que les services en ligne de cartographie interactive, collaborative et gratuits de Google (Panoramio, Onglet "Mes cartes" sur GoogleMaps) et les très nombreux mashups cartographiques qu'ils permettent, annoncent la mort des éditeurs de logiciels propriétaires si ceux-ci ne savent pas inventer une deuxième vie.

Alors, amateurs de nouveautés, méfiez-vous peut-être de ce qui se présente comme nouveau, pardon comme "néo".

Le dernier Neo qui a fait parler de lui et qui a surtout rapporté beaucoup d'argent à ses auteurs, c'est le héros d'une trilogie cinématographique qui errait entre monde réel et monde virtuel, chef désigné par une troupe de derniers résistants ou élu par une improbable prophétie pour faire face au contrôle du monde par une poignée de machines totalitaires et leur armée de clones.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.